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énergiques, et des yeux sombres et ardents où résidait tout le charme de son visage. Ses cheveux étaient taillés en brosse et sa barbe courte.

— Louise, — dit le professeur, — je vous présente Louis Robert, mon élève et mon ami. C’est un méridional froid ; il paraît que ce sont les plus violents.

Louis Robert s’inclina :

— Mon cher maître, le Midi a ses troubadours et ses félibres, il eut aussi ses Albigeois, et les oranges y croissent à côté des figues de Barbarie.

— Mon cher enfant, — dit Lenoël, — j’ai terriblement besoin que vous me veniez en aide. Voyez tous ces livres entassés sur les tables depuis mon retour : je n’ai pas même eu le temps de les ouvrir. Je vous prierai d’y jeter un coup d’œil et de m’indiquer par un mot le sens et la valeur de chacun d’eux. Pour les moins importants, veuillez répondre vous-même, en mon nom. Je souffre de manquer aux égards qu’on se doit entre confrères, mais comment faire, comment suffire à tout ?

Tandis qu’ils parcouraient ensemble les titres de ces in-octavo, ces pages aux caractères fins et serrés, aux marges envahies de notes, Louise pensait au jour, où, le cœur battant, elle était venue déjà dans ce cabinet, dont la solennité l’avait d’abord glacée. Puis elle se rappelait la paix qui s’était faite en elle dès qu’elle eut aperçu le docteur. Sur le bureau, près de l’encrier, elle retrouvait un petit faune dansant, dont machinalement elle avait alors regardé le pied soulevé, tandis que Félicité expliquait le motif de leur visite.

Lorsque le déjeuner fut servi, Lenoël offrit le bras à la jeune fille pour la conduire à table. La salle à manger, située au rez-de-chaussée de l’hôtel, prenait vue sur un petit jardin où quelques platanes se paraient encore de feuilles dorées par l’automne. Elle était tendue de tapisseries flamandes, — des scènes de chasse d’après Van Orley, — et le soleil, de ses rayons déjà inclinés, noyait dans la même lumière le paysage vrai et celui de haute lisse, semblant les fondre tous deux.

On s’assit, et Lenoël dit à Louise et à Robert :

— Excusez-moi de vous donner un vrai déjeuner de malade, un déjeuner blanc. Vous voyez en moi une victime de la per-