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bords, tumultueuse sous le vent qui moirait d’argent ses flots sombres. Ils suivirent longtemps le parapet, puis, tournant à droite, passèrent le pont. L’eau courait parmi les arches, si rapide qu’elle semblait les ébranler. Ils s’arrêtèrent, un instant, s’accoudèrent pour voir les ondes qui fuyaient, entraînant toutes ces lueurs, tous ces feux, toutes les lumières tremblantes des nuits parisiennes.

Jacques Lenoël avait glissé son bras sous celui de Louise, et, si près d’elle, un âpre désir le pénétrait.

— Rentrons ! dit-il.

Une voiture les porta rue d’Offémont.

Dans la chambre toute rose flottait comme un mystère joyeux. Louise ôta ses fourrures, ses lourds vêtements. Jacques la voulut aider :

— Toute la ville, ce soir, est à déballer ses étrennes ; ce sont les miennes, — dit-il. — Tu es un jouet divin.

Et il la baisa sur les lèvres.

Le goût qu’il avait d’elle ne se lassait pas. Souvent il la parait de bijoux découverts en Égypte, — un collier, un diadème de l’époque pharaonique ; — d’autres fois, il la drapait de voiles, à la façon de ces statuettes qu’il aimait tant. Il se plaisait à mêler l’art à l’amour. Mais, ce soir-là, il ne s’attarda pas à ces jolis amusements…

Plus tard, il lui dit à l’oreille :

— Louise, tu as été la surprise adorable de ma vie.

Il parlait gravement, la tenant contre lui. Un enchantement flottait autour d’eux. Emportés aux abîmes, traversés d’une douceur mortelle, ils avaient senti leur chair se diluer, parmi la pourpre et l’azur de cieux inconnus.

Sous la nuit froide et criblée d’étoiles, il la ramena chez elle, vers deux heures du matin.


XXVI


M. Toussard avait été nommé président de sa classe à l’Exposition de Philadelphie. Son absence devait durer plusieurs mois et il se disposait à partir. Un matin de mars,