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DAPHNÉ[1]



Comme nous écoutions Libanius avec une attention nouvelle, nous entendîmes distinctement sur la terre un bruit sourd pareil au galop de plusieurs chevaux. Sur un signe de la main les esclaves se hâtèrent de courir à la haute porte du péristyle où nous étions ; mais, au moment même où ils en soulevaient les longues tapisseries, deux jeunes gens parurent à l’entrée, se tenant par la main. Ils étaient enveloppés de manteaux blancs qui tombaient devant eux et cachaient leurs pieds. L’un d’eux qui se tint devant l’autre portait une petite barbe bouclée, légère et terminée en pointe. Sa tête était penchée, son regard cherchait les yeux des trois amis et allait de l’un à l’autre avec vitesse, et ses paupières semblaient chargées de larmes qu’il voulait contenir. Libanius, secouant sa tête avec une agitation qui faisait frémir ses longs cheveux blancs sur ses épaules, se retourna sur son siège avec la lenteur des vieillards, et, mettant sa main amaigrie et chargée de grosses veines bleues entre ses yeux et les lampes, le considéra sans rien dire, comme un voyageur regarde un objet lointain et inconnu éclairé par un soleil trop ardent. Basile et Jean Chrysostôme se parlaient bas avec incertitude, lorsque l’étranger s’approcha de quelques pas, s’arrêta encore, prit un des pans

  1. Voir la Revue du 15 juin et du 1er juillet.