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tous les peuples passés pour les peuples à venir : c’est la morale. Or, il va périr, ce trésor, si nous ne le passons bien conservé à des mains plus sûres que celles des peuples sophistes qui ne savent plus le garder et n’ont plus de prestige où l’envelopper.

Ici Libanius soupira profondément et, après nous avoir regardés avec douleur :

— Il faut bien, — dit-il, — la passer aux Barbares.

Julien recula :

— Dois-je donc, à ton avis, regretter tous mes travaux et mes chères victoires ? — dit Julien.

— Non pour toi, Julien, mais pour nous.

— Je ne l’aurais pas cru, — reprit Julien avec sa bonté ordinaire. — N’avons-nous pas encore dans le monde romain toute la science des siècles ?.

— Ils ont quelque chose de plus précieux, — dit Libanius, — qu’on ne nous rendra jamais et qu’ils apportent : c’est la simplicité de cœur qui peut croire sincèrement à quelques prodiges et adorer ce que tu as nommé les poupées divines.

— Eh ! bien, — dit Julien, — les Césars d’autrefois les payaient pour ne pas passer le Rhin, moi, je les ai chassés à coups d’épée. Crois-tu que jamais on en fasse des Romains ?

— Non, mais déjà sur nos frontières, on en a fait de robustes et solides chrétiens, bien ignorants et bien grossiers.

— Eh ! bien, — dit Julien, — que veux-tu dire par là ? Faut-il donc que nous cessions d’élever les Barbares à nous et que nous nous abaissions jusqu’à eux ?

— Tiens ! Regarde ! — dit Libanius, — voilà ce que je veux dire.

En même temps il nous montra une momie égyptienne couchée dans le fond du péristyle, à l’entrée du bois.

— Regardez attentivement, — dit-il, — cette momie embaumée. Elle porte dans sa tête des trésors et dans sa poitrine un rouleau de papyrus, sur lequel tiendraient aisément rassemblées et écrites en caractères grecs quelques brèves maximes qui peuvent exprimer tout ce qu’ont imaginé les hommes jusqu’à ce jour pour tâcher de se rendre meilleurs. Les couleurs vertes, rouges, dorées de la momie n’ont point pâli. Ses cheveux se sont conservés aussi blonds, aussi