Page:Revue de Paris - 1912 - tome 4.djvu/358

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

soyeux que durant la vie, aucun des trésors d’Isis et d’Osiris, aucun sphynx azuré ne s’est perdu, pas une lettre du papyrus ne s’est effacée, grâce à ce cristal énorme qui couvre la momie dans toute son étendue. Ce cristal est transparent, et à travers les lueurs rougeâtres, argentées, violettes, que lui apportent les flambeaux et les astres, et qui lui donnent l’aspect d’un lac merveilleux ou d’un ciel inconnu découvert dans l’ombre, on ne cesse d’apercevoir le visage immobile de la momie. Elle croise ses bras sur sa poitrine et y garde en paix notre trésor. Sur ce cristal énorme sont gravés et peints des caractères sacrés qui, faisant adorer l’enveloppe, ont conservé le trésor des âges anciens. Les dogmes religieux, avec leurs célestes illusions, sont pareils à ce cristal. Ils conservent le peu de sages préceptes que les races se sont formés et se passent l’une à l’autre. Lorsque l’un de ces cristaux sacrés s’est brisé sous l’effort des siècles et les coups des révolutions des hommes, ou lorsque les caractères qu’il porte sont effacés et n’impriment plus de crainte, alors le trésor public est en danger, et il faut qu’un nouveau cristal serve à le voiler de ses emblèmes et à éloigner les profanes par ses lueurs toutes nouvelles, plus sincèrement et chaudement révérées.

» Or, les Barbares dont nous parlons ont une crainte toute vraie, toute jeune et sans examen du nouveau dogme des chrétiens ; s’ils la conservent pure, ce dogme sera le seul en vérité qui puisse sauver le trésor du monde, et ce sera là le cristal neuf orné de symboles nouveaux et préservateurs.

Libanius se tut tout à coup, et ce fut Julien qui à son tour se couvrit la tête de son manteau. Bientôt son pâle visage sortit de ses mains, et il prit le cotyle d’argent qui était placé devant lui ; un doux sourire animait ses lèvres et son regard, et, se levant avec nous en faisant une libation du côté de l’Orient, il dit :

— Au Dieu Préservateur, quel qu’il soit !

Ensuite il versa la coupe et ajouta d’une voix paisible, et en souriant avec tristesse :

— Tu l’emportes, Galiléen !

Nous nous regardâmes longtemps sans parler. Julien se coucha à demi et, appuyé sur son coude, il poursuivit :