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Les Barbares étaient restés glacés d’étonnement, et je crois qu’ils auraient passé outre sans répondre à ce jeune homme, sans le moine qui cria tout à coup qu’il blasphémait le Christ. Aussitôt ils s’écartèrent pour ramasser des pierres et les lui jeter violemment. Les premières atteignirent les belles colonnes de marbre et, rejaillissant sur Paul de Larisse, ne lui firent que de légères blessures. Il sourit comme les Spartiates au combat, et détacha tranquillement et gracieusement l’agrafe de son manteau blanc. Sa poitrine fut frappée à l’instant de tant de pierres à la fois qu’il tomba sur les genoux, et, un énorme débris de roc lui ayant frappé la tête, il roula sur les degrés comme un vase renversé. La colère des Barbares chrétiens ne s’arrêta pas là. Ils se précipitèrent sur le temple de Daphné, ce chef-d’œuvre de grâce, et, brisant les portes odoriférantes fermées et désertes depuis longtemps, escaladant les toits, poussant les charpentes et les pierres avec des leviers, amassant des branches d’arbre dans l’intérieur, ils démolirent et incendièrent en une heure ces marbres adorés depuis tant de siècles et témoins de tant de glorieux travaux. J’ai vu ainsi une idolâtrie en détruire une autre, mais il se passera, je crois, bien des âges avant que la seconde serve de voile, comme disait le maître Libanius, à d’aussi belles pensées que la première.

Comme la plupart de ces Barbares sont des Isaures et des Huns, venus avec leurs familles traînées et amassées dans des chariots, il m’a été facile, parlant leur langue, de m’attirer leur confiance en leur distribuant sur-le-champ quatre talents d’or. J’ai divisé chaque talent d’or en cinquante mines et chaque mine en soixante sicles et même chaque sicle en deux békas, pour les accoutumer à notre monnaie hébraïque préférablement à celle des Romains. En reconnaissance de mes bons offices, ils m’ont laissé à vil prix des statues d’or massif, d’argent et de porphyre, ouvrages de Phidias et de Praxitèle d’une valeur inappréciable. J’ai fait enfouir à vingt pieds sous terre la statue de Vénus-Uranie, qu’adorait Libanius avant tous les Dieux ou toutes les pensées.

C’est une femme debout, nue jusqu’à la ceinture, écrivant sur des tablettes, et qui réunit en elle toutes les beautés de la forme humaine. Les deux bras et les tablettes venaient d’être brisés. Les pénates d’or et d’argent, je les ai transportés, la