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AU PAYS DES PIERRES[1]


IX


Sous les grands murs rocheux du Karst, seuls, deux hommes se tenaient debout, le long des rails. Un halètement étouffé s’entendait dans le tunnel. Écho retentissant — comme si l’on frappait de mille marteaux l’intérieur de la montagne… Tout à coup l’obscurité se déchira. Des taches rouges se précipitant, surgirent. Deux rubans de sang giclèrent vertigineusement sur les rails.

Le train passa comme un tonnerre devant les petites maisons de garde. Les carrés lumineux des fenêtres glissaient au-dessus des formes humaines s’estompant dans la vapeur. La terre, l’air, étaient ébranlés par la tempête du train et sa fumée, scintillante de feu, enflammait la nuit.

À un tournant, le train s’enfonça encore dans un tunnel. Il disparut. Sa fumée éteinte sortit en rampant sournoisement de la gueule de la montagne. Elle s’étendit comme un voile au-dessus des crevasses. Un caillou roula du talus dans le vide avec un bruit trépidant.

Silence. Au milieu des pierres, de nouveau les deux hommes furent les seuls êtres animés.

Comme si la force lancée à travers le silence engourdi les avait secoués, les fanaux se balancèrent dans leurs mains.

  1. Voir la Revue du 15 septembre.