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LA REVUE DE PARIS

— Je suis malade ;… très malade !

Puis Giacinta s’étendit sur le lit et ne parla pas longtemps ; mais ses pauvres mains maigres remuaient sans arrêt sur la couverture. Jella mit du bois au feu, en désirant que le temps passât, que tout cela fût loin d’elle. Une fois, Giacinta releva sa tête raidie. Un râle sourd se fraya un chemin hors de sa gorge. Elle se rejeta de nouveau en arrière. Ce son étrange glaçait le sang de Jella. Elle sentait que sa mère voulait dire quelque chose, mais ne pouvait parler.

On n’entendait, dans le silence, que la respiration de Giacinta. Dehors, la nuit était complètement tombée, la clarté du feu devint plus vivante sous le manteau de la cheminée. Jella était assise au bord du lit et, le visage fermé, elle regardait la poitrine de sa mère qui se soulevait étrangement et fascinait ses yeux. Cette poitrine respirait deux fois, puis ne bougeait plus de longtemps ; ensuite, de nouveau, elle respirait deux fois. Les coins de la bouche étaient bleus et secs ; la sueur ruisselait sur le front. Jella réunit tout son courage et passa sa main sur les tempes creuses de sa mère. Giacinta ouvrit les yeux. Elle la regarda longuement, les pupilles fixes.

— Pauvre enfant !

Sa voix était vide et venait de loin.

Jella frissonna.

— Mère… Voulez-vous quelque chose ?

Mais la femme ne répondit pas.

Vers le matin elle redevint inquiète. Sa tête se balançait çà et là sur la paillasse et sa main, comme si elle rassemblait d’invisibles duvets, remuait sans arrêt sur la couverture.

Jella lui essuya de nouveau le front et lui donna de l’eau. Giacinta but avidement, mais elle n’ouvrit pas les yeux et l’eau descendit avec un bruit singulier dans sa gorge, comme si elle coulait dans une auge de bois sec. La fille se pencha sur elle. Les lèvres de Giacinta remuèrent. Elle parlait d’une voix enfantine, changée, et appelait sa mère avec les mots de cette langue étrangère qui lui servait autrefois à chanter. Puis elle commença de prier, rapidement, d’une façon incompréhensible. Jella aussi pria et souhaita que le temps passât vite, vite…

Un carré pâle se dégageait de l’obscurité sur le mur opposé,