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AU PAYS DES PIERRES

du vieux prunier elle se serra contre le gars. Ses genoux touchèrent les genoux d’André.

Il lui saisit les bras et la repoussa d’un seul mouvement.

— Pas ici !

Jella le regarda sans comprendre. Le jeune homme était si fort et si étranger !

— Pourquoi me fais-tu mal ? Je t’aime, moi !

En le disant elle devint subitement humble et faible. Ses yeux se remplirent de larmes.

Une grande chaleur monta dans la poitrine d’André. Il aimait la faiblesse de Jella. Il aurait voulu la soulever dans ses bras pour l’emporter, afin qu’elle fût à lui seul. Il se pencha si près d’elle que leurs bouches se joignirent quand il parla.

— Tu ne comprends donc pas ? Un autre est le maître ici ! Je ne viens ici que pour voler !… partager ! mentir !

Jella fit un haut-le-corps en entendant les paroles amères. Elle se souvint vaguement qu’une chose semblable lui était passée par la tête. Il y avait longtemps. Autrefois ! Mais depuis que son amour avait ainsi grandi, elle ne pensait plus avec sa raison. Tout était bien pour elle ; Pierre n’ignorait-il pas tout ?

Entre deux coups de hache, Pierre appela dans l’ombre : « Jella ! » La tête d’André devint brûlante, comme si par ce simple appel, le mari empiétait sur ses droits.

— Il te prend à moi quand il le veut !

Et il ne regardait plus avec pitié du côté du hangar. Il ouvrit les bras vers la femme avec le geste libre et fier de ceux qui moissonnent depuis mille ans sur leur propre terre plane.

— Tu es à moi, je t’emporterai d’ici.

Les yeux de Jella brillèrent.

— Allons ! Il n’y a que nous dans la forêt !

André la serra encore plus fortement contre lui.

— Pas là. Chez moi, loin, dans mon village. Viendrais-tu ? Et alors, pour la première fois il sentit que tous deux ils pourraient être unis. Les mains de la femme glissèrent de son épaule.

— Chez toi ? Dans la puszta ?

En parlant, elle regardait les montagnes.

Un grand silence se leva entre eux, et dans le silence, leurs