village. Acacias immobiles, petites fermes disséminées, le puits, le troupeau de chevaux, les chiens de berger blancs…
Quelque chose le saisit à la gorge. Il aurait voulu pousser un grand juron qui aurait fait écrouler les montagnes autour de lui. Le chien, comme s’il l’avait compris, se mit à hurler ; il battit le sol de la queue, puis il sauta en l’air et lécha le menton d’André.
Le gars rejeta sa tête en arrière, mais pourtant son visage se rasséréna.
— Hé ! Sajo ! — dit-il plusieurs fois ; — Mon chien Sajo !
Et l’homme et l’animal firent un pas en avant comme s’ils s’appartenaient.
Au delà du pont, où le taillis commençait à s’éclaircir sur la forêt, Jella était assise sur un arbre renversé. Elle n’avait pas dormi toute la nuit. Au petit jour elle s’était enfuie de la maison. Depuis, elle attendait André. En l’apercevant, elle se pencha et fit semblant de ramasser des fascines. Puis elle changea d’avis. Elle jeta les ramilles et s’avança vers le jeune homme. Elle allait lentement, à pas de loup, comme une belle bête sylvestre qui se prépare à bondir.
Ils se regardèrent. L’aspect las, inquiet d’André, désarma un instant la femme. Ses yeux devinrent humides d’amour affamé, pleins de reproches. Elle se courba comme si elle mendiait :
— Ne sois pas mauvais pour moi !
L’attendrissement de Jella n’émut pas le gars. Le temps était passé… Il se tenait debout devant elle, insensible, presqu’irrité, et il tenait la tête si haute que le soleil brillait sur sa figure.
Les épaules de Jella frémirent.
Elle s’était humiliée en vain. Son attitude se transforma soudain.
— Tu me désireras encore !
Et elle marcha en avant, menaçante. Comme si elle avait voulu montrer sa puissance au gars et à elle-même, elle rejeta sa tête en arrière avec un sourire lent et sombre.
Une lassitude agacée parut sur la figure d’André. Il leva la main pour la repousser :
— Laisse-moi tranquille !