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AU PAYS DES PIERRES

les yeux brûlants de la femme. Il aurait aimé à s’en aller en paix. Lorsqu’il parla, il n’y avait pas de joie dans sa voix, mais seulement le calme de la grande résolution.

— Je m’en irai, — dit-il simplement — ce sera mieux ainsi pour tout le monde.

Jella n’entendit que les premiers mots ; elle froissa convulsivement sur son sein la blouse flottante.

— Alors, tu vas partir ? — Elle hochait lentement, peureusement, la tête. — C’est donc vrai !

Tout d’un coup, elle devint aussi pauvre et orpheline que si elle était de nouveau restée seule au monde. D’anciennes paroles lui revenaient à l’esprit. Elle les avait prononcées souvent autrefois, paroles bonnes, mais inutiles.

Il reviendra !

Elle se parlait à elle-même, tout bas, en hésitant, comme si elle craignait qu’on lui prît tout de suite jusqu’à ses mots. Mais André ne protesta pas, et Jella s’enhardit. Elle prenait déjà son désir pour la réalité.

— N’est-ce pas, tu reviendras ? Bientôt ? Et là-bas aussi tu m’aimeras ! Toujours ! Quand tu ne me verras pas ! Quand tu en regarderas d’autres !

Cette pensée assombrit son visage. Elle ressentit de nouveau dans son corps cette jalousie mordante qui lui faisait mal à crier.

Elle secoua désespérément la tête.

— Non, je ne puis le supporter ! Tu dois rester ici, Andrya ! Je périrais sans toi.

Le gars appuyait son menton à son poing et regardait le sol. Il sentait que la femme l’aimait infiniment, mais il ne pouvait plus lui en avoir de gratitude. Il faisait de vains efforts ; un vide froid était dans son cœur et il ne pouvait penser qu’à sa propre vie. Il n’avait plus besoin de l’amour effréné, torturant, de cette Jella qui l’agaçait presque. Il aurait voulu que tout fût fini et, dans son égoïsme ignorant, il se figurait que tout allait finir, s’il partait.

Longtemps, ils se turent, pendant que les mains de Jella s’élevaient et retombaient sur ses genoux avec de petits mouvements impuissants.

— Andrya ! Mon Dieu ! Mais pourquoi donc en sommes-