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LA REVUE DE PARIS

nous arrivés là ! Hélas ! Je n’ai rien fait, je t’ai seulement aimé !

Le jeune homme frémit. Cette voix fit fondre quelque chose dans son être. Il eut pitié de celle qu’il n’aimait plus. Il aurait voulu dire quelque chose de bon qui ne fît pas de mal. À la fin, il mit sans parler sa main sur l’épaule de la femme. Jella la saisit et la pressa avidement sur sa bouche, comme si elle avait voulu l’aspirer, afin que rien ne pût plus les séparer l’un de l’autre.

— Andrya ! Andrya !

Mais elle ne put exprimer ce qu’elle ressentait ; ses yeux se remplirent de larmes.

Le jeune homme attira sur sa poitrine la tête de la femme pour ne pas la voir pleurer, et se mit à la caresser comme un petit animal malade qu’il aurait voulu guérir, endormir un peu avant de partir.

Autour d’eux le vent tournoyait en sifflant. Dans la grande agitation, seuls, eux deux se tenaient immobiles, tout près l’un de l’autre et pourtant solitaires. Et il sembla soudain au gars que cette heure ne sonnait pas pour la première fois, et qu’il s’était déjà tenu ainsi, à côté de Jella, pour les adieux. Puis il se rendit compte que cela n’avait existé que dans sa pensée chaque fois qu’il avait compris qu’ils ne pouvaient vivre ensemble.

— Jella, — dit-il d’une voix étouffée tandis que, luttant avec lui-même et avec les mots, il continuait sans arrêt à caresser les beaux cheveux cuivrés de la femme — Jella, ne pleure pas ! J’ai toujours su que tout ne serait bien que lorsque cette chose serait finie…

La femme releva la tête, frappée par ces paroles :

— Tu le savais ! Tu y as donc pensé une autre fois ?

André fit avec tristesse un signe d’assentiment.

La tête de Jella retomba, abattue sur l’épaule du jeune homme.

— Et moi je croyais que tu ne pensais à rien quand tu te taisais !

Comme si tout à coup il y avait eu un choc dans son esprit, elle repoussa André et le regarda fixement dans les yeux :