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UNE CONSPIRATION EN 1537

entr’ouvre le rideau.) Seigneur, dormez-vous ? (Il lui passe son épée au travers du corps.) C’est fait[1].

(Le Duc roule par terre en rugissant. Scoronconcolo lui enlève une joue d’un coup de dague. Le Duc ensanglanté se relève et court dans la chambre avec égarement.)
LORENZO

Maladroit, tu frappes au visage ! C’est au cœur ! au cœur ! (Au Duc.) Holà, seigneur, point tant de bruit ! Acceptez ce bâillon ! (Il lui met les doigts dans la bouche.)

SCORONCONCOLO

Le damné bondit comme une panthère. Où es-tu donc, maître ? Je n’y vois plus.

LORENZO

Je le tiens, là, sous moi ! (Il jette le Duc sur le lit.) Maudit ! Tu mords comme un chien enragé. Mais c’est égal ! Tu mourras de la main de Lorenzaccio.

SCORONCONCOLO

Ôte-toi de là, maître, que je le frappe !

LORENZO

Je ne puis. Ce chien furieux tient mon pouce entre ses dents. Il me le broie. Ah ! le cœur me manque. Je souffre ! Dépêche-toi de le tuer !

Scoronconcolo enfonce sa dague.

LORENZO

Tu éventres le matelas ! Il me coupera le doigt.

SCORONCONCOLO, tire un couteau de sa poche.

Eh bien ! saignons-le comme un pourceau ! Lâche-t-il prise ?

LORENZO

Enfonce le couteau plus avant dans la gorge. Bien. Ses dents s’écartent un peu. Ah ! sa tête retombe, ses muscles se détendent. Il meurt. Regarde, il est hideux à voir.

SCORONCONCOLO

Encore quatre à cinq coups dans la poitrine. J’aime mieux le voir bien mort.

LORENZO descend du lit.

Enfin ! (Il regarde sa main sanglante.) Ce doigt sera mutilé pour toujours. Tant mieux ! C’est une glorieuse blessure et j’aurai toujours ce souvenir sous les yeux.

  1. Cf. Musset, Lorenzaccio, acte IV, sc. xi :
    (Il [le Duc] se couche.)
    (Lorenzo rentre, l’épée à la main.)
    LORENZO

    Dormez-vous, seigneur ?

    (Il le frappe.)

    SCORONCONCOLO

    Est-ce fait ?…