Maître ! Que ferons-nous de ce cadavre ? Sa dernière convulsion l’a fait bondir comme un crapaud. Le voilà encore par terre. Par Monseigneur Satan, il tenait à sa vie presque autant que nous à sa mort.
Aide-moi à le ramasser.
(Le foyer qui, pendant celle scène hideuse, a jeté quelques lueurs par intervalles, s’allume et répand une vive clarté dans la chambre.)
Entrailles du Christ ! C’est le Duc lui-même[1] !
Oui, c’est lui, c’est bien lui ! Ô joie du ciel ! Le voir ainsi !
Maître ! qu’avons-nous fait ? C’est une affaire plus sérieuse que je ne pensais.
Aide-moi à le coucher ! Jette-lui ce couvre-pied et rendons à son sommeil cet oreiller dont le vaillant s’était fait un écu. (Il lui soulève la tête pour le regarder.) Maintenant, Grand Duc de Florence, bâtard du pape, gendre de Charles V, tyran, despote, infâme, fanfaron, impudique Alexandre de Médicis, bonsoir pour la dernière fois. Lorenzo ne te ramènera plus de l’orgie et ne te mettra plus au lit accablé de débauches et de crimes. Dors bien ! (Il laisse retomber la tête du cadavre et va s’asseoir sur la fenêtre, qu’il entr’ouvre.) Ah ! que je suis fatigué ! Ce taureau sauvage a soutenu un rude assaut. Je suis baigné de sueur et de sang.
Maître ! Partons, crois-moi. On peut avoir entendu.
Oh ! que non ! Il a perdu son temps à me manger la main. As-tu peur, maintenant ?
C’est un coup trop hardi. Fuyons[2].
Fuis si tu veux. Pour moi, je puis mourir maintenant. Je suis assez content d’avoir vécu ce jour tout entier.