Aller au contenu

Page:Revue de Paris - 1932 - tome 6 - numéro 23 (extrait).djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dépôt ; le « Patriotisme » de nos gouvernants ; l’Homme du port devant l’élévateur ; Devoirs démocratiques.

Adrien voyait avec précision la matière pour une douzaine d’articles. Il brûlait déjà d’écrire le premier, qui serait une sorte d’Introduction. Il fallait familiariser le lecteur avec quelques généralités ignorées du grand public, afin de s’épargner plus tard des explications oiseuses.

« Et, cette fois, je signerai de mon nom entier, se dit-il. Azog. ça sent le Juif, et je ne tiens pas à ce qu’un autre reçoive la râclée, si jamais ma campagne doit en attirer une. »

Au moment de s’engager rue de la Quarantaine, Adrien rencontra Jean Rizou, l’anarchiste, dont la mine l’effraya. Le pauvre diable était visiblement tuberculeux. Adrien n’osa même pas le questionner sur son état de santé. Rizou le félicita pour son article :

— Tu montres là un beau talent. Et tu entres de plain-pied dans le combat social, tu commences tout de suite à prouver que tu es une force. Tandis que moi, je ne fiche rien. Si fait ! je me meurs de phtisie galopante. Mais je n’irai pas jusqu’au bout de cette infecte maladie. Je finirai en route. Et avant d’en finir, je montrerai, moi aussi, mes canines à ces messieurs qui se moquent de l’homme sans défense.

Ils firent un bout de chemin ensemble, Adrien profita d’un instant favorable pour lui glisser deux louis dans la poche du veston, puis le quitta, lui promettant d’aller un jour le voir chez lui.

Quand il entra dans la boutique du cordonnier, plusieurs camarades demandaient justement au secrétaire du syndicat qui était « cet Azog » ?

— Voilà Azog ! — s’écria Avramaki, écrasant la main d’Adrien. — Bravo, mon vieux ! Tu en as bouché un coin à tout le monde, et à moi le premier ! Le représentant de Dimineata était ici, il y a une minute, pour nous dire qu’à neuf heures on ne trouvait plus une feuille dans toute la ville, et qu’il avait redemandé télégraphiquement cinq cents exemplaires. C’est un succès sans précédent pour ce journal. Encore quelques articles du même type, et il deviendra le pain quotidien du débardeur roumain. Mais ne te fais pas d’illusions, quant aux résultats. C’est toujours à un organe bourgeois