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Page:Revue de droit public - 1897 - A4T7.djvu/440

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ce serait une façon absurde de poursuivre le bon marché. À supposer même que la concurrence, introduite de cette façon, procurât un bon marché relatif, elle ne procurerait pas le bon marché absolu, en ce sens qu’il aurait toujours mieux valu obtenir les produits à un prix de revient dans lequel ne fussent pas entres de doubles et triples frais de premier établissement.

Cette observation prend une valeur toute particulière quand il s’agit de frais de premier établissement très considérables. Alors, en effet, deux obstacles s’opposent à ce que la concurrence produise ses effets ordinaires de bon marché et même à ce qu’elle s’exerce: d’abord la difficulté de trouver des capitaux, et ensuite celle de rémunérer ces capitaux. Or tel est le cas des routes, des canaux et surtout des chemins de fer. C’est ce que Dupuit, à l’article Péages du Dictionnaire de l’économie politique, a mis en évidence par un exemple heureusement choisi et que nous nous bornerons à reproduire. « En effet, dit-il, imaginons qu’une compagnie concessionnaire d’un canal ou d’un chemin de fer élève le chiffre de son tarif de manière à porter ses profits bien au delà du taux ordinaire du revenu des capitaux industriels ; que ceux-ci ne rapportant ordinairement que 6 à 7, elle obtienne 12 ou 15, et même 20 pour 100 de bénéfices. Par exemple, la voie a coûté 100 millions. La recette brute est de 30 millions ; les frais d’entretien, d’administration, d’exploitation sont de 15 millions : reste 15 millions à distribuer aux actionnaires, c’est-à-dire 15 pour 100 du montant de leurs actions. Certes, un pareil résultat aurait de quoi tenter la concurrence, et, s’il s’agissait d’une autre industrie, il est certain qu’une ou plusieurs entreprises rivales viendraient partager et réduire les profits de la première. Mais pour une voie de communication cela n’aura pas lieu. D’abord l’énormité du capital nécessaire pour établir la nouvelle voie restreint à un très petit nombre de personnes la possibilité de l’entreprendre : ensuite c’est que, l’entreprise ancienne étant unique, la nouvelle ne peut vivre qu’aux dépens de la première, et que le bénéfice qui suffit à une ne suffit pas à deux. Quand cent filatures prospèrent, la cent-unième peut prospérer aussi, parce qu’il lui suffit d’une légère augmentation relative dans