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mauvais service aux esclaves orientaux en les appelant à une liberté qu’ils ne désirent pas, qui leur serait à charge et qu’ils refuseraient, ainsi que ceux du Beylik de Tunis en ont donné récemment l’exemple, après avoir été affranchis par le bey.

M. le docteur Girou de Buzareingues. — J’envisagerai la question au point de vue général, en faisant abstraction de toute opinion personnelle. Au point de vue physiologique, c’est un grand tort que de donner la liberté aux esclaves, sans transition. Considéré dans l’échelle des êtres, le nègre est un enfant, et il l’est en effet autant par ses instincts que par le peu de développement de ses facultés. Eh bien, y aurait-il quelque sagesse à laisser les enfants maîtres d’eux-mêmes, intelligences inexpérimentées qui ne peuvent se passer d’un guide ? D’ailleurs, c’est un fait acquis aujourd’hui à la science que les plantes cultivées et les animaux domestiques abandonnés à eux-mêmes ne tardent pas à retomber dans l’état de sauvagerie dès que les soins de l’homme viennent à leur manquer. L’esclavage a souvent tiré le nègre d’un état misérable, de la barbarie, et n’est-il pas à craindre que, livré à lui-même, il n’y retombe bientôt ? Cette conséquence serait déplorable quand on considère l’état dans lequel ils sont dans leur propre patrie, livrés a des guerres désolantes, à l’antropophagie, aux coutumes les plus monstrueuses. J’ai étudié avec soin plusieurs nègres amenés à Paris, et je leur ai reconnu des instincts véritablement animaux. Ainsi je me rappelle de la négresse d’une de mes clientes qui, aussitôt qu’elle était seule dans mon antichambre, s’étendait à terre devant le feu. Il serait facile de citer plusieurs exemples semblables.

Si, à l’égard des blancs, l’émancipation pure et simple sans indemnité est un droit de justice, c’est aussi une perte pour le nègre. Tout nègre arrivé à cinquante ans a un avenir certain ; il a ses invalides : si vous le séparez de son maître, il faut à l’un et à l’autre une indemnité ; au colon pour sa propriété, au nègre pour le travail qu’il a fait. Le commerce trouverait dans celle mesure subite une perturbation rès-grande ; ce