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naturelle des institutions permettait à l’État d’attendre et de se reposer presque à loisir en présence de l’obstacle ; tandis que, sous le gouvernement républicain, la logique rigoureuse et impatiente du principe a brisé l’obstacle dès le premier jour, en laissant au lendemain la tâche de maintenir, d’organiser le droit sur les ruines de l’illégalité détruite.

L’émancipation étant définitivement proclamée, les embarras reparaissent non plus devant, mais derrière nous ; il faut nous retourner pour les combattre.


Des intérêts complexes se trouvent engagés dans la question telle qu’elle est aujourd’hui posée :

Dans les colonies, l’intérêt des deux races ;

Dans la métropole, l’intérêt de l’industrie, du commerce et de la marine nationale.

Enfin, au-dessus de ces intérêts d’un ordre matériel, ceux de la civilisation, de la morale et de la vraie liberté.

L’émancipation affectera nécessairement, soit en bien, soit en mal, ces divers intérêts, qui, sous certains points de vue, se contredisent et se combattent : il importe d’atténuer, autant que possible, le mal et de féconder le bien.


Avant d’étudier avec détail les résultats de l’émancipation, nous avons hâte de vider la question d’indemnité.

En principe, l’indemnité est-elle due où n’est-elle pas due aux colons dépossédés de leurs esclaves par la liberté ?

Dans notre opinion, l’indemnité est due.

Les partisans de l’opinion contraire s’appuient sur la loi naturelle qui ne reconnaît point l’esclavage : ils soutiennent que les droits de l’humanité et de la liberté sont imprescriptibles, et que les colons, après avoir bénéficié, pendant plus de deux siècles, d’une illégalité monstrueuse, ne sauraient être considérés comme propriétaires d’un bien qu’ils ont usurpé ; que les abus, quels qu’ils soient, doivent tomber d’eux-mêmes devant les progrès du temps et les protestations, souvent tardives, de la morale, mais non se racheter.