Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 12, 1907.djvu/430

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ton cœur lorsque tu entends cela ? Celui-ci dit : Je pense que tous iront dans le royaume (du ciel). Le vieillard l’entendant, fut dans l’admiration et dit : Voilà l’œuvre qui surpasse mes travaux de tant d’années ; puis, lui faisant révérence, il dit : Pardonne-moi, frère, je ne suis pas encore arrivé à cette hauteur. Puis, sans manger, il retourna de nouveau au désert.

68. — On racontait[1] qu’à Scété, au moment où les clercs faisaient l’office, il descendait comme un aigle sur l’offrande, et les clercs seuls le voyaient. Certain jour un frère demanda quelque chose au diacre qui lui dit : Je n’ai pas le temps. Quand ils allèrent célébrer la messe, l’apparition semblable à un aigle ne vint pas comme de coutume, et le prêtre dit au diacre : Qu’est-ce que cela ? Pourquoi l’aigle n’est-il pas venu comme de coutume ? Est-ce moi qui ai commis une faute ou bien toi ? Écarte-toi donc et, s’il vient, on saura que c’est toi qui l’empêchais de venir[2]. Dès que le diacre se fut écarté, l’aigle vint, puis, à la fin de la synaxe, le prêtre dit au diacre : Raconte-moi ce que tu as fait. Il répondit : Je n’ai pas conscience d’avoir péché si ce n’est qu’un frère venant me demander quelque chose, je lui ai répondu que je n’avais pas le temps. Le prêtre dit : C’est donc à cause de toi qu’il n’est pas venu parce que tu avais affligé un frère. Et le diacre alla demander pardon au frère.

69. — Quelques pères dirent qu’au moment où Pierre, archevêque d’Alexandrie, allait mourir, un certain, qui était resté vierge, eut une vision et entendit une voix qui disait : Pierre chef des Apôtres et Pierre couronne des martyrs.

70. — Un supérieur de monastère interrogea notre défunt père Cyrille, pape d’Alexandrie : Qui vaut le mieux, de nous qui avons des frères sous nous et les dirigeons de diverses manières vers le salut, ou de ceux qui travaillent à leur seul salut dans le désert ? Le pape répondit : Il ne faut pas prononcer entre Moïse et Élie, car tous deux plurent à Dieu.

71. — Un frère[3] demanda au vieillard (son) abbé : Comment quelqu’un devient-il fou pour le Seigneur ? Le vieillard lui dit : Dans un monastère, il y avait un enfant qui fut donné à un illustre vieillard pour être dirigé et instruit dans la crainte de Dieu. Le vieillard lui dit : Si quelqu’un t’insulte, bénis-le ; si tu es à table, mange ce qui est gâté et jette ce qui est bon ; si tu as à choisir un habit, laisse le bon et prends le mauvais. L’enfant lui dit : Suis-je donc fou pour que tu me dises de faire cela ? Le vieillard dit : Je te demande de faire tout cela afin que le Seigneur te rende sage. C’est ainsi que le vieillard montra ce qu’il fallait faire afin de devenir fou pour le Seigneur.

72. — Dans un monastère, il y avait un séculier qui avait son fils avec lui. L’abbé, voulant l’éprouver, lui dit : Ne parle pas avec ton fils, mais traite-le comme un étranger. Il répondit : Je ferai ce que tu m’ordonnes ; et il passa de longues années sans parler avec lui. Lorsque le fils fut rap-

  1. L, fol. 102 r°. B, p. 546, n° 281.
  2. Il ne semble donc pas avoir eu d’autres clercs que le prêtre et le diacre.
  3. Paul, 156. Coislin 127, fol. 20 v°.