Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 13, 1908.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

psalmodie et le travail manuel, ce sont les fondements ; mais tandis que le novice apprend tout cela, l’autre arrive au premier ordre.

169. — Un frère[1], tourmenté par l’impureté, alla trouver un grand vieillard et le supplia disant : Fais charité, prie pour moi, je suis tourmenté par l’impureté. Le vieillard pria Dieu à son sujet. Il vint une seconde fois près du vieillard et lui en dit autant, et celui-ci ne négligea pas d’implorer Dieu pour lui et dit : Seigneur, révèle-moi le cas de ce frère et d’où vient que je t’ai imploré et qu’il n’a pas trouvé la tranquillité ? Et Dieu lui révéla ce qui le regardait et il le vit assis, avec l’esprit d’impureté près de lui. Un ange avait été envoyé pour le protéger et s’irritait de ce que le frère ne recourait pas à Dieu, mais prenait plaisir aux pensées et abandonnait son esprit à toute leur action. Le vieillard connut donc que la cause provenait du frère, et lui dit : C’est toi qui es d’accord avec tes pensées ! Puis il lui apprit à résister aux pensées et le frère, ramené à la raison par la prière et l’enseignement du vieillard, trouva le repos.

170. — Le disciple[2] d’un grand vieillard fut combattu un jour par l’impureté. Le vieillard, le voyant découragé, lui dit : Veux-tu que je demande à Dieu de te délivrer de cette lutte ? L’autre répondit : Je vois, abbé, que je peine, mais je vois aussi que cette peine me porte des fruits ; demande donc seulement à Dieu de m’accorder la patience. Son abbé lui dit : Je vois maintenant que tu es en progrès et que tu me surpasses.

171. — On racontait[3] qu’un vieillard vint à Scété avec un fils encore à la mamelle, qui ne savait ce que c’était qu’une femme. Lorsqu’il devint homme, les démons lui montrèrent des figures de femmes, et il l’annonça à son père qui fut fort étonné. Un jour qu’il monta en Égypte avec son père et vit des femmes, il lui dit : Abbé, voilà ceux qui venaient près de moi, durant la nuit, à Scété. Et son père lui dit : Ce sont les moines des villages, enfant, ceux-là ont certain costume et les ermites en ont un autre. Le vieillard s’étonna comment, même dans le désert, les démons lui avaient montré des figures de femmes, et aussitôt ils retournèrent dans leur cellule.

172. — Un frère luttait à Scété[4] ; l’ennemi lui rappela le souvenir d’une femme très belle et le tourmenta beaucoup. Par un effet de la Providence, un autre frère, venant d’Égypte à Scété, lui dit, tout en parlant, que la femme d’un tel était morte. — Or c’était celle pour laquelle il luttait. — Il prit donc sa tunique, s’en alla de nuit, ouvrit son tombeau, essuya le pus du cadavre avec sa tunique et le porta à sa cellule. Il plaça cette puanteur près de lui et combattit ses pensées en disant : Voilà l’objet de concupiscence que tu convoitais, tu l’as, rassasie-toi. Et il demeura ainsi dans cette puanteur jusqu’à ce que la lutte eût cessé.

  1. B, p. 660, no 571 ; Paul, 64 ; L, fol. 106v ; M, 745, no 13 ; Coislin 127, fol. 87v. Le latin est une paraphrase ; M, 878, no 19.
  2. Paul, 210 ; Coislin 127, fol. 88 ; L, fol. 8v ; M, 742, no 8. Le latin allonge beaucoup ; M, 878, no 20.
  3. Paul, 210 ; Coislin 127, fol. 88 ; M, 878, no 21.
  4. B, p. 666, no 583 ; L, fol. 16v ; Paul, 210. Coislin 127, fol. 88v ; M, 744, no 11 ; 878, no 22.