Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 13, 1908.djvu/74

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le consola, il retourna à sa cellule, et voilà que la lutte recommençait en lui. Il retourna près du vieillard et le fit ainsi souvent. Le vieillard ne le chagrina pas, mais lui dit ce qui pouvait lui être utile et ajouta : Ne t’enferme pas, mais viens plutôt, lorsque le démon te combat, réprimande-le et, ainsi réprimandé, il s’en ira ; rien ne chagrine le démon de l’impureté comme de révéler ses œuvres, et rien ne le réjouit comme de cacher les pensées qu’il inspire.

165. — Un frère[1] était attiré vers l’impureté, il résistait[2] en augmentant son ascétisme et en préservant sa pensée des mauvais désirs. Enfin il se rendit à l’assemblée et révéla la chose à tout le monde. Tous reçurent l’ordre de prier Dieu pour lui durant une semaine et la lutte cessa.

166. — Un vieillard[3] solitaire disait contre les pensées d’impureté : Veux-tu être sauvé après ta mort ? Va te fatiguer, va travailler, va chercher et tu trouveras, veille et frappe et on t’ouvrira. Dans le monde il y a des gladiateurs[4] qui sont couronnés lorsqu’ils ont beaucoup frappé, résisté et montré du courage ; souvent un seul, frappé par deux, supporte courageusement ses blessures et vainc ceux qui l’ont frappé. Vois quel courage pour des avantages charnels ! Toi donc résiste avec courage et Dieu combattra l’ennemi à ta place.

167. — Un autre vieillard disait des mêmes pensées[5] : Fais comme celui qui passe sur la place publique devant une taverne, il sent le potage et quelque rôti ; si cela lui plaît, il entre et mange ; si cela ne lui plaît pas, il le sent seulement et continue son chemin. Toi de même, chasse bien loin toute mauvaise odeur, lève-toi et prie en disant : Fils de Dieu, secours-moi. Fais cela aussi pour les autres pensées, car nous ne pouvons pas extirper les passions mais seulement leur résister.

168. — Un frère[6] interrogea un vieillard disant : Si un moine tombe en tentation, il est affligé parce qu’il passe du progrès à la défaillance, et il travaille jusqu’à ce qu’il se relève ; mais celui qui vient du monde fait du progrès parce qu’il part du commencement. Le vieillard lui répondit : Le moine qui tombe en tentation est comme une maison qui tombe. Si sa pensée se purifie au point de rebâtir la maison tombée, il trouvera beaucoup de matériaux : les fondements, les pierres, les bois, et il pourra avancer beaucoup plus vite que celui qui n’a pas encore creusé ni jeté de fondement et qui n’a aucune avance mais qui travaille dans l’espoir de terminer. Il en est de même du travail du moine : s’il tombe dans la tentation et se convertit, il a beaucoup d’avance : la méditation, la

  1. M, 877, no 14 ; Paul, 59 ; B, p. 656, no 557 ; L, fol. 9r ; Coislin 127, fol. 87v.
  2. Le latin ajoute : « durant quatorze ans ».
  3. B, p. 670, no 590 ; Coislin 127, fol. 87v ; M, 877, no 15.
  4. Cf. supra, 39. Le syriaque rend ce mot par « athlètes » ; le latin par « pancratiarii ».
  5. B, p. 669, no 589. Coislin 127, fol. 87v ; M, 877, no 16.
  6. Paul, 15 ; M, 877, no 18.