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122 LA REVUE DE L'ART Mais les choses se gâtent; le 13 mai de la même année, autre note : J'ai grand'peur que cet homme, si aimable, si spirituel, si appliqué, et qui me doit tout, ne devienne un fainéant, qui ne se soucie plus de rien ni de personne, que de ses plaisirs et de sa paresse. L'événement justifia, paraît-il, ces craintes, car, dans une lettre de 1771, le roi parle de son ingratitude, et en 1774, il le considère comme « le prototype de tous les ingrats, qui ont jamais été et qui seront jamais !» On a peine à croire à tant de noirceur en regardant cette figure char- mante, aux traits réguliers, animés d'un aimable sourire que fait ressortir la sobriété du costume, relevé seulement par la note d'or de la chaîne qui retient la croix épiscopale. Telles sont les oeuvres que nous connaissons du peintre suédois Per Krafft. Ce ne serait point lui rendre un véritable et sincère hommage que de vouloir faire de lui un vrai maître; d'ailleurs, nous avons pris soin d'insister autant sur ses imperfections que sur ses qualités : artiste doué, habile à mettre sa manière au goût de son époque ; non dénué de talent. certes, mais manquant tout à fait de ce je ne sais quoi de supérieur et de profond qui classe un grand peintre, Krafft offrait plus d'un intérêt pour nous. Le fait qu'il se forma en France et qu'il représenta ensuite le goût français dans son pays, aurait déjà été une [raison de rappeler son sou- venir; mais il en existait une autre : c'est qu'il a fait partie de cette pléiade d'artistes de tous pays dont Stanislas-Auguste eut le goût de s'entourer. Tous ne furent pas illustres au même titre, mais tous, les grands premiers rôles comme les personnalités de second plan, concoururent à lui faire cette réputation de mécène dont il était si justement fier, et pour n'aA'oir séjourné qu'un an à la cour de Pologne, Per Krafft n'en garda pas moins pendant le reste de sa vie le titre de peintre de Stanislas-Auguste. Mais, pour tant de portraitistes, combien peu de peintres de moeurs ! Déjà, quand notre Norblin nous avait aimablement obligés à nous arrêter devant des scènes polonaises, cette halte, au milieu d'une si longue galerie de figures, nous avait paru charmante : délaissant un moment les nobles seigneurs en costumes de cour, les hauts dignitaires en habits