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LE MISSEL DE THOMAS JAMES 145 Mais Attavante n'a point l'âpre énergie du peintre-sculpteur; il n'a pas compris Verrocchio et semble ne l'avoir imité que par hasard. Son modèle ordinaire, son véritable maître, est le plus calme des artistes florentins, Domenico Ghirlandajo. Miniaturiste imitateur d'un peintre, il lui manque trop souvent la vue directe des vivants. Il n'approche des grands maîtres que lorsque lui-même se met en présence d'un spectacle réel, fût-il le plus commun et le plus insignifiant. Quoi de plus charmant, dans les minia- tures du missel de Thomas James, que quelques détails du frontispice : le groupe des enfants de Florence, qui, debout à côté des dieux marins sculptés sur un sarcophage antique, regardent le manège d'un singe et d'un chien griffon? Ce qui, de nos jours du moins, paraîtra le plus digne d'attention dans les scènes peintes par Attavante, c'est le décor et le paysage. L'artiste, qui ne sait point donner à ses figurines une personnalité et un « caractère », donne à un édifice, réel ou fantaisiste, sa physionomie. Sur le frontispice, une loggia à deux étages, composition dans le goût de Brunelleschi, regarde un palais, qui est celui des Médicis, le palais Riccardi de nos jours. Une construction, revêtue de marbre blanc et noir, qui rappelle d'assez loin le Baptistère de Florence, garde son aspect archaïque auprès d'un édifice imité des basiliques encore debout parmi les ruines de Rome. La ville d'or qui s'élève derrière le groupe des élus du Jugement dernier est dominée par la coupole de Santa Maria del Fiore. Les paysages sont, pour la plupart, des vues de Toscane. Ceux même qui tiennent dans un cercle d'or large comme un anneau d'évêque sont spacieux et paraissent immenses. Le plus remarquable de ces paysages est naturellement le moins petit. Derrière les croix du Calvaire, la campagne s'élargit à perte de vue. Des escadrons d'hommes d'armes la traversent et reparaissent dans le lointain, sous un rayon qui les fait étinceler. Un fleuve lent décrit une courbe entre des buissons bas. Regardez la ville dont les toits, les tours, les pyramides et les coupoles se dessinent dans le bleu. Cette Jérusalem est une vue très exacte de R,ome vers 1480. Le miniaturiste avait sous les yeux un dessin pris d'après nature et d'un point que l'on pourrait déterminer, à quelques centaines de mètres près, sur la rive Verrocchio de M. Marcel Reytnond ; l'auteur, d'accord avec d'autres critiques, révoque en doute l'as- sertion de Vasari et attribue le tableau tout entier à Verrocchio. LA REVUE DE L'ART. — XX. 19