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194 LA REVUE DE L'ART ouverte du prince Lubomirski1, représentent bien les études de lumière et d'expression des années leydoises ; mieux encore les portraits du père et surtout de la Mère de l'artiste (au Dr. Brédius) donnent l'idée de la sympathie attentive avec laquelle le jeune homme étudiait le visage de ses modèles, et de la conscience touchante qu'il apportait à les peindre. Ce qu'à pareille école il devint bientôt capable de faire, on le voit par le ravissant portrait de Lisbeth (1632) et le sien propre en toque à plumes et manteau de velours (1635), tous deux au prince de Liechtenstein : rien de plus ferme que ce mâle visage dans l'ombre de la coiffure, rien de plus délicat que ces joues fraîches, ce cou blanc de jeune fille, ces légers cheveux blonds autour desquels joue la lumière. Il suffira de mentionner la Pelronella Buys de M. Preyer (1635); et il n'y aurait rien à dire de la Saskia en Flore (à M. Meyer de Stadelhofen), complètement repeinte par un infâme barbouilleur, ni de la Saskia en Didon, lourde et pénible — on lui refuserait le nom de Rembrandt, sans l'avis des bons connaisseurs qui ont organisé l'exposition — si, comme l'Andromède du Dr. Brédius, elles n'avaient été découvertes cette année même. L'Andromède, au con- traire, est charmante : le modèle n'est pas beau, mais la fermeté du dessin, la souplesse élastique de la chair un peu grasse, frémissante de vie malgré sa pâleur d'ivoire-, en font un morceau tout à fait rare. Et pourtant comme les oeuvres de dix ans postérieures, celles qui suivent la Ronde de nuit et la mort de Saskia, ont un autre accent ! La main est assouplie par les expériences faites, l'esprit mûri par la douleur. Un accord étroit s'est établi entre la sensibilité et les moyens d'expres- sion. Il suffît pour en juger de ces trois petits panneaux, appartenant à M. Bonnat, ce buste de femme, une étude pour la Suzanne de Berlin, avec son dessin intérieur et son modelé passionné ; ce Christ en croix, arrangé comme un Van Dyck, mais dont Rembrandt seul a pu construire le corps, tragiquement profilé sur le ciel vert; et ce Six à la fenêtre, une esquisse, 1. Une réplique de cette peinture, si bonne qu'elle pouvait passer pour être de la main de Rem- brandt, figure également chez MM. Frederik Muller, mais une comparaison attentive a permis, dit-on, de reconnaître le panneau de Leyde pour l'original. 2. On se demande, tant le corps est incolore, si le tableau est inachevé ou si nous n'avons pas affaire à une préparation pour une gravure. Je tiens à remercier ici M. Brédius, à l'obligeance de qui je dois de pouvoir reproduire son Andromède.