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210 LA REVUE DE L'ART des ailes droites déployées comme des oriflammes, et de la mandorla qui entoure de splendeur la déesse s'envolent, comme une nuée d'ange- lots, d'autres génies avec des trompettes ailées. Voici que sur la plaine verte se pressent en deux troupes les empereurs et les rois, les princes et les hommes d'armes, cavaliers solennels, savants pleins de fierté. Ils s'assemblent pour recevoir la récompense immortelle, et la Gloire qui tient un faisceau de couronnes, comme un bracelet à un bras gauche, en soulève une et en jette une à la foule. Ces couronnes pleuvent sur les tètes d'immortels : les uns s'en sont ceint le heaume ou le front, d'autres les mettent autour d'eux, d'autres implorent la couronne de laurier. Cette miniature du manuscrit 6069 lat. de la Bibliothèque Nationale, diffère de toutes les autres, qui sont d'un maître bolonais. Le beau Triomphe du frontispice, qui est d'une seule couleur avec des lumières blanches très fines, qui éclatent sur l'azur comme des sculptures d'ivoire, est l'oeuvre d'un grand maître, de Vérone probablement, dont l'art rappelle celui d'Avanzo et d'Altichiero. Il fut imité dans un autre manuscrit, conservé lui aussi à la Bibliothèque Nationale : et cette admirable et délicate invention devient typique. Et quand, par la suite, les artistes s'apprêtèrent à commenter avec des figures les Triomphes, ils mirent sur des chars triomphaux la Chasteté, la Mort, le Temps, etc., comme déjà Pétrarque l'avait fait pour l'Amour, et le miniaturiste du De Viris illustribus pour la Renommée. Un commentaire plus direct, le premier essai aussi de traduction par la peinture des Triomphes de Pétrarque, c'est le Triomphe de la Mort du Campo Santo de Pise, indiqué à tort jusqu'ici comme antérieur au poème de Pétrarque — Vasari l'attribue à Orcagna, Milanesi à Bernardo Daddi, Cavalcaselle à Ambrogio Lorenzetti, Thode et avec lui d'autres modernes au Pisan Traini. Ces fresques sont certainement delà fin du XIVe siècle, comme on peut le démontrer par les rapports qu'elles ont avec les histoires de l'empereur Frédéric dans une salle du palais communal de Sienne; elles sont donc postérieures à l'époque où florissaient les maîtres précé- demment indiqués, et sont l'oeuvre d'élèves de Spinello Aretino. Pétrarque lui-même peut fournir un argument pour nous permettre de rapprocher la date trop ancienne assignée à ces fresques. Le rapport entre quelques vers du Triomphe de la Mort et cette peinture est si grand, qu'on est amené à