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LES TRIOMPHES DE PÉTRARQUE DANS L'ART REPRÉSENTATIF 217 de couper la puissante chevelure de Samson. Comme on le voit, l'art fiou- ratif n'est pas demeuré dans le cadre classique des Triomphes ; il ne renonce pas à ses souvenirs ; il fait comme l'abeille, qui recueille le miel sur le pollen des fleurs. Ce ne fut certainement pas un artiste de premier ordre que celui qui peignit le tondo de Turin : c'est ce même curieux maître florentin, qui est l'auteur du cassone où est représentée l'histoire de Griselda, et qui est partagé entre la galerie d'Esté à Modène et le musée Correr à Venise ; ce fut lui qui exécuta la répétition des Triomphes de la Bibliothèque et d'autres collections. Mais cet humble artisan de cassone, en se permettant tant de libertés, empruntait certainement à de plus grands maîtres les motifs de sa peinture : c'est une indication qui nous montre, dans la pre- mière moitié du Quattrocento, une séparation commençant entre l'art et le travail qui se faisait par l'élaboration des éléments plastiques les plus divers avec, comme base, les Triomphes de Pétrarque. Plus tard, Jacopo del Sella io, en peignant les Triomphes, qui sont en. partie à l'oratoire de Sant' Ansano, près de Fiesole, compliqua les scènes représentées et les motifs de décoration. Sur le char, autour du brasier, sur lequel dansait Cupidon, se tiennent enchaînés un jeune homme, un vieillard et une femme ; aux quatre angles du char triomphal, des génies avec une balance; tout autour, la foule des amoureux. Suit la Chasteté, qui tient Cupidon dans ses liens et qu'accompagne l'escorte des femmes couronnées de fleurs, précédées d'un étendard vert avec de la blanche hermine. Puis vient le Temps, qui bat des ailes et qui pousse son bâton dans les nuages, en montrant la clepsydre. Enfin, la Divinité se dresse dans un arc-en-ciel, adorée par les anges, planant au-dessus du monde, pendant que, sur la terre, les trois Vertus théologales s'avancent tranquillement, accompagnées dans leur marche par les symboles évangéliques. C'est ainsi qu'en vue de l'effet pittoresque et décoratif, les scènes figurées s'éloignent de plus en plus du texte littéraire. Les artistes vou- lurent développer en un groupe ce que le poète alignait en une procession solennelle : concentrer sur une plaque de coffret ce que Pétrarque faisait se succéder en une frise ; représenter en autant de tableaux ce qui n'avait été que dessiné dans la grande évolution des Triomphes. Vint le tour de Lorenzo Costa, du peintre ferrarais compagnon et LA REVUE DE L'ART. — IX. 28