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Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/275

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224 LA REVUE DE L'ART choisir pour patron des oiseleurs. Il maintient du bras l'Agneau contre lui, c'était la tradition généralement suivie à cette époque (nous en voyons un autre exemple dans les figurines de plomb du musée de Cluny, trouvées dalis la Seine) ; plus tard, les artistes placeront l'Agneau à terre, auprès du saint, jusqu'au jour où ils le suppri- meront tout à fait, pour lui substituer une banderole explicative. La convention en vertu de laquelle saint Jean était représenté aux XVe et XVIe siècles sous les traits d'un jeune homme, convention acceptée par Raphaël lui- même, se trouvait ici d'accord avec l'âge du roi. La tête, d'une expression agréable et douce, est surmontée d'une auréole : le corps est couvert d'une peau de chameau nouée sur l'épaule gauche, très habilement reproduite, par-dessus laquelle tombe, de l'épaule droite, une draperie rouge : les plis en sont bien rendus, sans sécheresse ni raideur. Les chairs, partout d'une couleur claire, sont fermement modelées. D'une façon générale, tout le tableau dénote une main exercée, peignant avec franchise et fermeté. Une bande d'un rose grisâtre et sale a été ajoutée postérieurement, d'une façon assez malheureuse, à la lisière de la peau de chameau, sur la poitrine, et quel- ques autres parties ont subi de légères retouches à différentes-époques ; par bon- heur, les parties essentielles du visage sont demeurées intactes, et le perroquet a gardé tout son éclat : avec son plumage verdâtre, sa crête rouge et son oeil brillant, c'est l'oeuvre d'un excellent animalier. On s'étonne, pour peu qu'on soit familiarisé avec les primitifs français, qu'un tel tableau ait pu être attribué à l'école milanaise, M. Gordon Smith allait jusqu'à le donner à Léonard, mais sans doute uniquementpour des raisons historiques. Il est vrai que l'erreur n'est pas sans exemple, puisque le portrait de François 1er, qui a fait partie de la collection de lord Dudley, et qui est considéré par plusieurs bons connaisseurs comme l'original du fameux portrait du roi par Clouet, au musée du Louvre, a été, lui aussi, attribué à Léonard, et même à Holbein 1. En fait, c'est à Jean Clouet que paraît devoir être attribuée notre peinture ; la tonalité claire de l'ensemble rappelle l'école flamande, dont Clouet dérive directe- ment, et, d'ailleurs, on y reconnaît — il parait difficile de le contester — la même main que dans le portrait de François 1er (alors comte d'Angoulême), conservé au musée Condé, à Chantilly : le catalogue classe ce portrait, sans s'aventurer à préciser davantage, dans l'école française. Non seulement l'apparence générale des deux pein- tures est-la même, mais encore.certains détails caractéristiques se retrouvent dans" l'une et dans l'autre : même tracé incisif des paupières supérieures, même indication expressive des paupières'inférieures, même visage presque sans ombres, même dessin des sourcils, des lèvres, des mains, mêmes doigts allongés, ces longs doigts que nous voyons aussi dans le Portrait de femme qui a fait-partie de la collection: Laurent-Richard-. Il y a ici plus de naïveté, et une facture moins serrée que dans l'exquis Portrait d'Eléonore d'Espagne. de la galerie d'Hampton Court, où le Dr Waagen et d'autres auteurs n'hésitent pas à reconnaître la main de Jean Clouet. Ce portrait. d'Éléondre- d'Espagne, comme aussi le portrait de la collection Dudley dont il a été question 1. Lorsqu'il figura en 1871 à l'Exposition de la Royal Academy.