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Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/302

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LA CACHETTE DE KARNAK ET L'ECOLE DE SCULPTURE THÉBA1NE 249 qu'on les regarde, on y remarque les signes distinctifs de l'école, avec des modifications qui s'expliquent lorsque l'on considère la position de Thèbes à cette époque. Résidence favorite des Pharaons et siège perma- nent de leur gouvernement, sa prospérité s'accroissait sans cesse par l'apport des butins qu'ils ramassaient en Syrie ou en Ethiopie, et le goût pour les constructions s'y développait à mesure que la richesse y augmentait. Non seulement les rois ne se lassaient pas de l'embellir, mais les particuliers s'y bâtissaient, à l'exemple des rois, des palais et des tombeaux somptueux. Il fallait surabondance d'artistes à si pleine besogne : les ateliers se multiplièrent, et les sculpteurs accoururent de tous les points du pays pour suppléer à la rareté des sculpteurs thébains. Ces étrangers ne se fondirent pas dans l'école locale sans y exercer quelque influence : elle se subdivisa en plusieurs branches, dont chacune, conservantle fond commun de préceptes et de traditions, assuma bientôt sa physionomie personnelle. Nous en connaissons deux ou trois déjà, mais combien dut-il y en avoir pendant les trois siècles que la dynastie dura, dont l'oeuvre entière est perdue pour nous ou se confond encore dans la masse ? C'est à un même atelier que j'attribuerais volontiers, outre un certain nombre de pièces entrées récemment dans notre musée, trois des fragments les meilleurs que M. Legrain ait retirés delà favissa, le ThoutmôsisIII, l'Isis et le Sanmaout. Le Thoutmôsis III (voir la planche hors texte) est pris dans un schiste très souple, qui admet toutes les finesses du ciseau, et nulle gra- vure ne rend justice à la délicatesse de son modelé : le jeu des muscles y est noté discrètement, mais avec une sûreté extraordinaire, et les ombres imper- ceptibles qu'il produit variant à mesure qu'on tourne autour de la figure, l'aspect de la physionomie semble changer d'instant en instant. Isis (fig. 6) n'était pas de naissance royale, et peut-être sortait-elle d'une des couches inférieures de la société : on ne soupçonnait pas son existence il y a vingt- cinq ans, et la statuette en granit rose de Karnak est le premier portrait que nous possédions d'elle. C'est d'elle pourtant que Thoutmôsis III tenait les traits qui le font si différent de ses prédécesseurs, le grand nez busqué, les larges yeux ouverts presque à fleur de tête, la bouche charnue, la face arrondie. La perruque pesante qui lui emboîte la tête rendait la tâche du sculpteur difficile : il n'en a eu que plus de mérite à concevoir une oeuvre LA REVUE PE L'ART. — XX. 32