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296 LA REVUE DE L'ART Tel qu'il est cependant, ce plafond de staff et de carton-pâte fut le dernier éclat d'Oiron. La mort du vieux maréchal laissa le domaine à ce fils dont Saint-Simon disait qu'il n'y avait pas « de plus folle tête, de plus radicalement malhonnête homme jusque dans la moelle des os ». Dès 1698, le château était saisi, et bientôt après mis en vente. Au printemps de 1700, M"10 de Montespan vint abriter sa pénitence au milieu de ces plaines monotones, faites pour recevoir les existences brisées et les douleurs résignées. Rien ne fut changé à Oiron. Elle couvrit les murs des portraits de son royal amant et du comte de Toulouse en Neptune, en Phaéton, en Amour endormi'. Mais elle confia le parquet de sa chambre à des faïenciers, mandés de Nevers, pour mortifier ses pieds nus de Madeleine sur des carreaux à ses armes. Elle mourut. Oiron passa au duc d'Antin, au duc de Villeroy, aux Fournier de Boishérault. Leurs descendants habitent encore ces galeries désertes, qui n'ont conservé de leur splendeur que quelques peintures et le souvenir des grandes ombres qui y ont passé. Bientôt le temps, continuant son oeuvre, emportera ces dernières et fragiles épaves. Il ne restera rien de ces tableaux écaillés, poussés au noir, encrassés d'une poussière séculaire. Le dommage sera réel. Immobilisés dans ce château depuis qu'ils vinrent au monde sous les pinceaux des artistes, les tableaux d'Oiron accusent toutes les variations de goût de la noblesse française pendant deux cents ans. Ils jalonnent les étapes de la mode en peinture. Le retable de la Résurrection, avec son paysage de missel et ses chevaliers bardés de fer, le portrait de Claude Gouffier en prière, les belles fresques de l'Enéide, effacées comme des tapisseries, rappellent le vieil art français des Foullon, des Jallier, des Roussel, des Jacquier, qui travaillèrent pour les sires de Boisy. Le Saint Jérôme et le Saint Jean au désert témoignent de l'admiration des compagnons de Louis XII et de François 1er pour l'art nouveau qui les avait séduits en Italie. Plus frivole, la noblesse du XVII0 siècle se personnifie dans les mythologiques allégories du Cabinet 1. Inventaire du 22 juillet 1707 (Publ. par Imbert, Mémoires lus à la Sorbonne, 23 avril 1867). L'hos- pice d'Oiron, fondé par M"" de Montespan, conserve un tableau attribué à Mignard, représentant la favorite en Madeleine. La toile a été si rapiécée, retouchée, repeinte, qu'il est impossible de juger de son mérite.