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300 LA REVUE DE L'ART Le Français Jules Renouvier sut, un des premiers, apprécier avec plus de justice ce peintre extraordinaire, qu'il considéra, à juste titre, comme le fondateur de l'école flamande des peintres « drôles » L «  Les drôles, remarque-t-il avec raison, ne surgissent pas, comme on aurait pu le croire, à Lyon, séjour de Rabelais, ni à Strasbourg, où écrit Sébastien Brandi, ni à Mantoue, la patrie de Merlin Cocai'e, mais à Bois-le-Duc, la ville de Jérôme Bosch... qui, comme peintre de monstres, de fantaisies charmantes ou terribles, est" le maître unique. » Il le place, à tort selon nous, bien au-dessus de Breughel le Vieux, son continua- teur, à qui il reproche « une couleur marquetée et crue, ainsi que peu de poésie dans ses fantasmagories... » Depuis, des historiens d'art de haute valeur, tels que MM. A. von Wurzbach 5, C. Justi 3, H. Dollmayr 1, G. Gluck i, et d'autres encore °, ont étudié et scruté l'oeuvre de Bosch de la façon la plus minutieuse, et le maître de Bois-le-Duc est sorti de ces recherches singulièrementgrandi, et plus apprécié que jamais. On constate notamment que les drôleries et les fantasmagories qui le firent connaître tout d'abord ne constituent qu'un des cûlés de son art si complexe. Gothique par bien des côtés, son originalité, son amour du réel, sa haine des traditions et du poncif, le placent dans une situation unique parmi les peintres néerlandais de la fin du xv° siècle. A côté de l'art mystique et suave des écoles de Memline et de Quentin Metzys,le genre d'IIieronymusvan Aken apparaît tout à coup comme une floraison étrange et inattendue, une poussée hardie et jeune, plus con- forme au génie populaire de sa race. Répudiant les plis cassés des draperies de ses contemporains et tout le bagage conventionnel qu'ils conservaient, ce peintre étrange doit être considéré, non seulement comme le chef incontesté de nos maîtres drôles, mais comme le créateur de notre école réaliste moderne. Sa mise en page si personnelleet si neuve, s'inspirant de la poésie de la Flandre, reflète toute la civilisation abolie de la fin du moyen âge. On y retrouve les croyances naïves, les hallucinationsétranges, les1 épouvantes, que les exorcismes et les procès de sorcellerie, alors si fréquents, surexcitaient 7. Imitant les mystères dont il fut un spectateur assidu, Bosch place dans ses com- 1. Jules Renouvier, Types et manières des peintres-graveurs. Les Maîtres drôles, H' partie, XVI' siècle, ch. xxi, p. 143. Paris, 1834. 2. A. von Wurzbach, Niederlxndisclies Kunsller-Lexihon (Wien, 1906), t. I, article Bosch. 3. C. Justi, Die Wer/ce des Hieronymus Bosch in Spanien. Jahrbuch der Kôniglichen Preussi- schen Kunstsamnilungen, t. X, pp. 120 à 144. Berlin, 1889. 4. H. Dollmayr, Hieronymus Bosch uncl die Darslellung der vier lelzlen Dinges in der Nieder- landiscken Malerei des XV un XVI Jahrhunderls. Jahrbuch der KunsthistorischenSammlungen des Ailérhoschsten Kaiserhauses, 1898, pp. 284-343. 5. Gust. Gluck, Zu einem bilde von H. Bosch in der Figdorschen Sammlung in Wien. Jahrbuch der Kôniglichen Preussischen Kunstsamnilungen, t. XXV, p. 181. Berlin, 1905. 6. Voir aussi R. van Bastelaer et G. H. de Loo, Peler Bruegel l'ancien, son oeuvre et son temps, ch. i, pp. 1 à 40. Van Oest, Bruxelles, 1905-1906 (en publication). 7. Voir à ce sujet la publication du terrible édit Maliens Maleficarum, de 1483, et la bulle d'Innocent Vlll du 5 décembre 1484.