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LA REVUE DE L'ART 312 qu'on adopta ceux qui sont encore en usage. De plus, les types des personnages n'étaient pas imposés aux cartiers. et ceux-ci,flattaientle public en lui représentant ses héros familiers ; souverains, guerriers fameux, preux de la légende, héros de roman, tous ceux à qui l'iconographie populaire élève dès monuments eurent leur effigie sur les cartes à jouer. Dans un jeu de la collection Wiener — un des premiers où les enseignes françaises font leur apparition : coeur, carreau, etc. —voici la belle Lucrèce, le duc de Laon, Penthésilée, le duc de Bayonne, le comte de Flandre; mais tandis qu'au delà du Rhin les figures étaient empruntées à tous les mondes, participaient de toutesles fantaisies, en France elles se spécialisaient, se restreignaient, ten- daientà s'uniformisersuivantun certain nombre de types. M. D'Allemagne étudie leur histoire dans chacune des provinces, les dix centres où se tirèrent des cartes, reconnaissables à des « portraits » ou patrons divers : cartes au portrait de Paris, ingénieuses et originales, d'autant plus que les points étaient souvent figurés par des animaux, des fleurs, des orne- ments, le signe distinctif de la carte relégué au coin, dans un des angles ; cartes au portrait d'Auvergne, fabriquées à Thiers. à Clermont, au Puy, et dont le roi de coeur avait seul l'épée ; cartes au patron lyonnais se distinguant par le petit perroquet porté par le roi de coeur, la fleur de tournesol de la dame de carreau, la hache et, au xvme siècle, la pipe du valet de pique ; au portrait de Provence où la dame de coeur est vêtue d'une armure sous sa tunique : à celui du Languedoc, élégantes et grêles ; à celui de Rouen, d'allure germanique. La Révolution transformatoutes ces royau- tés de papier en coiffant du casque ou du bon- net phrygien les fronts découronnés, en chan- ROI DE PIQUE PROVENANT D'UN JEU DE CARTES LYONNAIS DU XVIIe SIÈCLE. géant les emblèmes ou en créant de nouveaux modèles, tel le roi de pique que nous reproduisons. Il y eut aussi des cartes de fantaisie : au système métrique, aux dépar- tements, aux saisons, aux dévises républicaines, jusqu'à celles d'Henry de Saint- Simon éditées par Jaume et Dugourc. Plus tard, David dessina des types qui furent, mis en circulation, puis Gatteaux, jusqu'en 1813 où l'on revint au type de l'ancien régime, et en 1832 où l'on adopta un type peu courant qui s'est imposé depuis lors : les cartes à deux têtes. Cette généalogie terminée, M. D'Allemagne,avec son éruditionremarquable,fait un inventaire minutieux de toutes les créations qui ont eu surtout comme conséquences de fournir des numéros aux musées d'archéologie ou à la curiosité : cartes gravées sur des plaques de métal, sur bois, sur ivoire, sur satin — tel le célèbre jeu