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LE MAITRE DES HEURES DU MARÉCHAL DE ROUCIGAUT 35 exécuté en France des imitations de l'art italien. Enfin, ce maître était versé dans la perspective et avait des notions accentuées du dessin d'archi- tecture. Voici maintenant que le triptyque du musée provincial de Bonn nous apporte un dernier trait. Notre artiste n'a pas été seulement un remarquable enlumineur de manuscrits, enlumineur doublé peut-être jusqu'à un certain point d'un architecte ; il a été aussi un peintre propre- ment dit, sachant exécuter des tableaux sur bois avec des figures de fortes proportions. On voit combien apparaît intéressante la physionomie d'ar- liste que nous avons ressuscitée dans ses oeuvres. Ce qui serait séduisant, ce serait de nous placer maintenant sur un nouveau terrain et de chercher à pénétrer le mystère de l'identité du maître. Je n'aborderai cependant pas ici ce point, qui, pour être traité à fond, demanderait de trop longs développements. Je me bornerai à dire que, suivant moi, d'après des témoignages fournis par les écrits du temps, l'artiste auquel on pourrait songer avec le plus de vraisemblance est un peintre-enlumineur que l'on rencontre installé à Paris dès 1398, mais qui était originaire de Bruges. Cet artiste était appelé en France « Jacques Cone », et en Italie, dans des documents rédigés en latin, «  Jacobus Cona », ce qui, étant donné la patrie du personnage, correspond probablement au nom flamand Coene, très connu à Bruges. Les curieux pourront voir, dans un travail que je dois bientôt faire paraître en Belgique 1, les raisons qui me portent à proposer de reconnaître dans Jacques Cone ou Coene le maître dont nous avons étudié les pro- ductions, et je ne désespère pas d'arriver un jour à être en mesure de trancher définitivement la question. En attendant, je garderai encore, pour plus de prudence, les épithètes provisoires de « maître des Heures de Boucicaut » ou « maître aux cygnes ». Mais une chose est désormais bien acquise, c'est que ce maître, quelque nom qu'il ait porté, méritait une place dans l'histoire de l'art. Il se range parmi ceux qu'on peut appeler, pour employer une expression susceptible de frapper plus vivement l'imagination, les précurseurs des Van Eyck. COMTE PAUL DURRIEU 1. Jacques Coene, peintre de Bruges travaillant à Paris sous le règne de Charles VI, dans les Arts anciens de Flandre (recueil périodique in-folio, publié à Bruges par les soins de l'Associa- tion pour la publication des monuments de l'art flamand), fascicule V.