Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/546

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LES GRANDS CHAMPS DE FOUILLES DE L'ORIENT GREC EN 1905 449 n'étaient déjà presque populaires'. L'art de la faïence était d'ailleurs en grand honneur à Cnossos; on semble y avoir pratiqué surtout les petits sujets : guerriers, chasseurs, maisonnettes, fleurs traitées avec un réa- lisme surprenant, poissons ailés, qui semblent pris à quelque album d'un maître japonais, toutes ces miniatures, groupées en mosaïque, formaient une décoration de couleurs claires d'un effet exquis. Parmi les découvertes récentes, il faut placer au premier rang deux vases de stéatite, trouvés par la mission italienne. L'un, provenant de Phaestos, est décoré d'un relief représentant une procession agraire . Elle ne comprend pas moins de vingt-six personnages, sans doute des paysans allant aux champs, car ils portent sur l'épaule un instrument où l'on peut reconnaître une fourche ou une faux. Ils sont précédés d'un «  chef de chooeur » vêtu d'une cuirasse et tenant un long bâton recourbé ; entre les deux groupes dont se compose le cortège, un homme qui agite le sistre et trois femmes, tous chantant à gorge déployée, semblent appeler sur les récoltes la bénédiction divine. Au reste, quel que soit lé sujet représenté, «  rogations » du vieux culte crétois ou fête rustique, ce qui nous intéresse, c'est la manière dont l'artiste a su le traiter, c'est la cou- leur et le mouvement qu'il y a mis, c'est la vision qu'il nous donne de ce monde lointain : on n'en peut pas imaginer de plus directe et de plus sincère. Dans l'allure même de ces moissonneurs en fête, dans leur démarche rapide, dans ces chants qu'ils lancent, la bouche grande ouverte, on sent comme une exubérance de vie, comme la joie puissante et grasse d'une kermesse flamande. L'un d'entre eux a fait un faux pas, et, en tombant, se retient à celui qui le précède; l'autre se retourne, et, d'un air furieux, invective son maladroit compagnon. De pareils détails, d'un réalisme si intense et presque comique, placés dans une scène dont le caractère reli- gieux paraît certain, nous reportent bien loin non seulement de l'art clas- sique, mais de tout art antique. Pour en retrouver l'équivalent, il fau- drait, je crois, descendre jusqu'aux sculptures de nos vieilles cathédrales. Le second vase, découvert dans la « villa royale » d'Haghia Triada, est un rython conique, haut de 0m 45, et décoré de plusieurs zones de reliefs, dont trois sont occupées par des scènes de lutte et la quatrième 1. Cf. S. Reinach, lu Déesse aux serpentsdu palais de Cnossos {Gazelle des Beaux-Arts, 1904, p. 13). 2. Il a été reproduit dans la Bévue archéologique, 1904, pi. V. LA REVUE DE L'ART. — xx. 57