Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/547

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450 LA REVUE DE L'ART par une chasse au taureau, qui rappelle tout de suite et de très près les célèbres gobelets d'or de Vaphio. La reproduction donnée plus loin, qui est empruntée aux Rendiconli de l'Académie des Lincei, rend inutile une plus longue description. Avant d'essayer de définir les caractères généraux de cet art, j'aurais voulu parler de cette admirable série de vases en pierre dure, à décor curviligne, où, par l'habileté du ciseleur et la richesse de sa fantaisie, la rigueur de la forme géométrique se tempère et s'anime d'une sorte de grâce vivante. Il aurait fallu insister surtout sur cette céramique ornée de motifs végétaux, traités dans un style où s'unissent de la manière la plus heureuse la vérité de l'observation et le sens de l'effet décoratif; sur ces fresques, où renaît pour nous, d'une manière inespérée, Part somptueux et charmant des-Vieux imagiers crétois ; sur ces pierres gravées, véritables chefs- d'oeuvre de la glyptique; sur ces ivoires enfin, où l'artiste a saisi comme au vol le saut d'un acrobate, et rendu avec une incroyable virtuosité le prodigieux élan qui tend ses formes nerveuses et sveltes. Le peu que j'en ai dit suffira, j'espère, à faire comprendre et à justifier le jugement qu'on en peut-porter. Ce qui frappe d'abord dans les oeuvres de l'art crétois, c'est que l'ar- tiste y est complètement maître de ses moyens : il se joue des résistances de la matière; les difficultés du métier n'existent plus pour lui. On doit donc renoncer ici aux explications purement techniques qui ont leur place aux origines de l'art grec. C'est à l'oeuvre elle-même, considérée comme l'expression consciente et voulue d'une certaine idée, — à elle seule, — qu'il faut demander compte de tous ses caractères 1. De quelque côté qu'on l'envisage, on la trouvera singulièrement origi- nale et audacieuse. Dans sa composition d'abord, — j'entends par là l'organisation systématique de plusieurs éléments dans l'unité d'un ensemble. L'art oriental, chaldéen ou égyptien, n'a guère été au delà d'une simple juxtaposition de figures, sans autre lien entre elles que celui du contact dans l'espace. Les Grecs sont allés plus loin : ils donnent un centre à la composition, la disposent symétriquement par rapport à ce centre et s'efforcent d'obtenir, dans chaque partie, une exacte correspondance de 1. Voyez l'article posthume d'Aloïs RiegI, Zur Ktinslhistorischer Slellung der Bêcher von Yafio, dons les Jahreshefte des oesterreichischen archaeologischen Instilutes, IX, 1906, p. 4.