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LA RENAISSANCE ET SES ORIGINES FR ANÇAI SES 65 ment apparents de la Renaissance italienne, telle qu'elle vu se manifester quelques années après à Pise, dans les oeuvres de Niccolo Pisano (chaire du Baptistère, 1260) Telle est donc actuellementla théorie de l'Ecole française. Car, bien que M. La- fenestre ait mentionné en note, dans sa belle étude, le livre de M. Venturi, je ne vois nulle part qu'il ait. je ne dirai pas admis, mais simplement même mentionné, la série pourtant si importante des documents nouveaux qu'on y rencontre et les consé- quences qui en découlent ; elles ne sauraient cependant, maintenant, être passées sous silence. On parle beaucoup de la Renaissance : au fond, s'est-on jamais bien entendu sur la valeur qu'il faut attribuera ce mot ? On nous apprenait à l'école,que le moyen âge finit à la prise de Constantinople par les Turcs (1453); que de cette année-là date la Renaissance. C'est parfait, je le crois, s'il s'agit simplement d'histoire : on peut, en effet, la diviser très nettement. Mais pour l'art, est-ce vraiment la même chose ? «  L'invention artistique, écrivait, dernièrement M. Maurice Barrés, n'est pas une bonne fortune du hasard, mais elle est la trouvaille d'un heureux regard que le génie jette sur la nature. » C'est excellemment dit. Or, quelle est « la première invention artistique, le premier regard heureux » que nous puissions constater officiellement, sans discussion, dans l'histoire de l'art du moyen âge ? De là, ce me semble, devra dater la Renaissance. D'abord, qu'appellerons- nous «  regard heureux » ? Ces deux points résolus préciseront, je pense, nos recherches. En réalité, ce « regard heureux» n'est-il pas l'instant où les artistes, comprenant la nature, se mettent à la copier; « le moment où le sentiment de la forme humaine, qui a totalement disparu de l'art du moyen âge, réapparaît- » 2 ? Aussi, je croirais volontiers que la critique fait fausse route, quand elle veut nous expliquer la Renaissance par un simple retour aux traditions de l'antiquité, quand, à l'exemple de M. Venturi, elle prétend tout préciser en se bornant à nous faire toucher du doigt les monuments antiques qui servirent de modèles aux premiers artistes de la Renaissance, C'est, ce me semble, prendre l'effet pour la cause. Il se peut que, dans leurs balbutiements, alors que leur main, aux prises avec des difficultés extraordinaires, collabore à grand'peine avec l'éclosion de sentiments nouveaux, ils demandent aux précieux objets d'art qui les environnnent la manière de rendre leur aspiration, mais ils le font seulement parce que leur « regard heureux » les guide, parce que l'âme de l'humanité occidentale, fermée hier encore, vient de s'ouvrir à un idéal nouveau, qui, inconsciemment, l'a transformée. Le moment où nous constaterons cet « heureux regard » pour la première fois, sera donc, à mon avis, celui qui devra fixer l'origine de la Renaissance artistique. Pour M. Lafenestre, nous venons de le voir, c'est sous Frédéric II de Hohen- staufen ; pour M. Venturi, qui arrive armé de documents nouveaux, c'est en 1198 ; nous ne parlerons pas, pour l'instant, de la thèse de M. Woltmann, qui cherche les 1. Ibid., p. 125. 2. Eugène Mùntz, Renaissance, p. 280. LA REVUE DE L'ART. — XX.