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70 LA REVUE DE L'ART breuses et littéraires les discussions sur des signatures : I. B., — F. I. B., — M-, — J. p., etc., etc., nullement suivies de fecit, qu'on prit la peine de discuter — avant, par exemple, ma communication sur les Primitifs et leurs signatures. Toutes ces disserta- tions, je les ai pieusement recueillies ; je les publierais, s'il se produisait aujourd'hui quelques objections : elles seraient instructives pour l'érudition ; le mieux est peut- être de les laisser dormir. Un point me semble pourtant acquis, de l'aveu même de M. Lefèvre-Pontalis : fecit, maintenant, voudrait bien dire « a fait » et non plus : « a fait faire ». C'est, déjà beaucoup. Mais, pour en revenir à notre Rogerus, M. Lefèvre- Pontalis n'use en réalité que d'un argument important. «  Il faut avouer, dit-il, que la question de savoir si le Chartrain Rogerus exerçait un art ou un métier au xue siècle est. insoluble. » Car il n'est pas connu comme l'orfèvre Teudo, qu'il appelle l'architecte Teudo. Celui-là, on le trouve, en effet, cité ainsi dans le premier obiluaire chartrain, avant 1120, par conséquent : Au XVIII des Kalendes de janvier (13 décembre) : Obiit Teudo qui aureum scrinium composuit in quo est lunica Beatae Mariae et frontem hujus ecelesiae fecit, et ipsam ecclesiam cooperuit Décès de Teudon, qui composa le reliquaire d'or dans lequel est enfermée la chemise de la Sainte Vierge, qui fit le portail de l'église et le couvrit »). Si M. Lefèvre-Pontalis avait consulté mon Trésor de Chartres 1, il y aurait trouvé d'intéressants détails sur ce Teudo, qui fut. comme il l'écrit, orfèvre . homme de qualité d'ailleurs, qui, dans le Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, signe une charte en 1106. Mais du moment où il admet que cet orfèvre était architecte, s'il avait pour- suivi ses investigations dans mes Inventaires de Saint-Père-en-Valléede Chartres 2 . il aurait alors trouvé, dans l ' Obituaire du XIIe siècle, qu'on lisait aux kalendes d'octobre (1er octobre) : Obiit Rogerius aurifer (« Décès de l'orfèvre Rogerius »). N'est-ce donc pas là un Roger, qui exerçait à Chartres, non pas un métier, mais bien un art. et préci- sément, celui de Teudo l'orfèvre, que M. Lefèvre-Pontalis accepte parfaitement comme architecte. Et alors que dans aucun Nécrologe chartrain il n'est question d'un Rogerus. boucher, qui cependant, pour une aussi belle donation que le portail royal de la cathédrale de Chartres, méritait, certes d'être inscrit au nombre des bienfaiteurs insignes, ne semble-t -il pas que le Rogerus de la cathédrale doive être bien plutôt le Rogerus aurifex inscrit au Xécrologe chartrain, qu'un Rogerus tanins (boucher), dont personne ne parle, et que propose aujourd'hui, pour la première fois. M. Lefèvre- Pontalis? Et j'ajouterai, que justement, dans ce portail de Chartres, nous trouvons des colonnettes d'une exécution si précieuse, si extraordinairement poussée, que l'une d'entre elles paraît sortie du ciselet d'un artiste bien plus habitué aux métaux précieux qu'au travail de la pierre. Cette exquise petite femme (flg. 5) n'est-elle pas digne, en effet, dans sa délicate mièvrerie, dans sa nudité jeune si gracilement rendue, de figurer parmi les conceptions les plus délicates que vit éclore la France sous le souffle génial des précurseurs de la Renaissance? Nous allons retomber dans les entités ; seulement, nous aurons ici une date très précise. C'est pour recevoir le corps de l'évêque Jehan Ier, mort en 1140. que fut exé- 1. Mély (F. de), le Trésor de Chartres. Paris, Picard, 1886, in-8°, p. il. 2. Paris, Picard, 1887, gr. in-8°, p. 15.