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bernis et la guerre de sept ans.

amis, non sans une heureuse intuition de leur valeur, dans des emplois dont elle tiendra les fils. Au nombre des plus anciens confidents de ses peines, apparaît l’abbé de Bernis, aux Mémoires[1] duquel nous empruntons ces traits de caractère. Singulière destinée que la sienne ! Rien ne lui a facilité les débuts dans le monde et à la Cour ; mais il a su attendre et, dédaigneux de la faveur, dissimuler sous des dehors frivoles et attrayants une ambition qui ne demande aujourd’hui qu’à recueillir les fruits tardifs de son alliée la patience. C’est Madame de Pompadour qui l’a présenté au Roi, et — bien qu’il se flatte dans ses Mémoires d’avoir été l’unique artisan de la période brillante de sa vie — on est induit à penser qu’elle l’aura aidé à obtenir l’Ambassade de Venise, à laquelle il vient d’être appelé et d’où il rapportera, après trois ans, une connaissance raisonnée et acquise à bonne école des affaires de l’Europe. C’est là un premier pas d’un commun accord vers l’emprise de la politique extérieure de la France : mais, pour l’heure, il s’agit de bien autre chose dans l’esprit de Madame de Pompadour.

Depuis près de cinquante ans, la France traversait une crise religieuse due à la propagation des doctrines du Père Quesnel, Oratorien et Janséniste, que la Bulle « Unigenitus » avait condamnées en 1713 comme contraires aux dogmes de l’Église Chrétienne. La crise s’était envenimée dans les dernières années, au point de soulever un ardent conflit entre le Parlement de Paris, inféodé à l’esprit de réforme en matière spirituelle comme en matière politique, et le Clergé de France, s’autorisant sur les mandements de certains Évêques des prescriptions de ladite Bulle pour refuser les sacrements aux malades convaincus d’adhésion à l’hérésie. Attendant beaucoup du temps et de la raison, Benoît xiv — qu’on a quelquefois appelé le Pape justement né pour le xviiie siècle — n’avait pas plus jugé à propos d’intervenir dans le conflit que le Gouvernement de Louis xv n’avait songé à solliciter son assistance spirituelle. Abandonnée dès lors au Pouvoir laïque, la question avait évolué, faute d’unanimité d’opinion dans le Conseil, entre une infinité de mesures tour à tour conciliantes et rigoureuses qui n’avaient

  1. Mémoires et Lettres de François Joachim de Pierre, cardinal de Bernis, 1713 à 1758, publiés par M. Frédéric Masson, de l’Académie Française.