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une lettre de ducis à larive.

tir vivement ce qui caractérise les différentes passions du personnage qu’il représente, on peut dire qu’il en est peu qui lui échappent et qu’il en est plusieurs qu’il rend d’une manière très naturelle et très heureuse. Sans avoir beaucoup de pénétration dans l’esprit ni beaucoup de chaleur dans l’âme, il a cet instinct qui devine et qui saisit facilement ce qui peut intéresser ou ce qui peut plaire, tout ce que son goût lui fait apercevoir ; et ces dons naturels sont d’un plus grand usage peut-être dans l’art de la déclamation que les connaissances les plus approfondies, l’esprit et la sensibilité même qui, quoique très vive et très profonde, n’a souvent qu’une expression exagérée ou monotone. Le plus grand mérite de notre jeune acteur est de parler dans la tragédie, et de parler sans enflure et sans familiarité. Il doit vraisemblablement cet avantage à l’habitude où il a été de jouer en province les premiers emplois de la tragédie et de la comédie. Il a débuté dans les deux genres avec beaucoup de succès, et les rôles où il paraît avoir réuni le plus de suffrages sont, pour la tragédie, celui d’Œdipe, et pour la comédie, celui de Clitandre dans Les Femmes savantes. On lui trouve des rapports avec Dufresne. Il serait assez singulier que Le Kain se trouvât remplacé un jour par un acteur du même genre que celui auquel il a succédé. MM. les gentilshommes de la Chambre viennent de le faire recevoir à demi-part. »

Le grand succès de Larive dans Pygmalion ne contribua pas peu à le faire considérer comme un grand artiste, et peu à peu il reprit tous les rôles de Le Kain.

Trois ans plus tard, Le Kain étant mort le 8 février 1778, des contestations s’élevèrent pour l’attribution de ses rôles à Molé, Monvel ou Larive. Le maréchal duc de Duras, le gentilhomme de la Chambre devant qui la question fut portée, fit une part pour chacun des trois compétiteurs. L’artiste réussit tant à Paris qu’en province, sans parvenir à désarmer Bachaumont qui, en signalant les couronnes de lauriers décernées à Larive, ajoute, le 26 mai 1779 : « Ce qu’il y a de singulier, c’est