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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/226

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bernis et la guerre de sept ans.

offrir Choiseul comme prix de son abandon, Choiseul qu’elle connaissait assez pour redouter la main qui l’éloignerait insensiblement du pouvoir en lui laissant le souvenir poignant de sa grandeur passée. Nonobstant la nervosité de Madame de Pompadour, Bernis persévère dans son projet et lui adresse, le 4 octobre, un « mémoire pour le Roi », dans lequel, après une minutieuse exposition des causes multiples qui l’obligent à se démettre de sa charge et qui nous sont dès à présent suffisamment connues, il supplie Sa Majesté d’en disposer en faveur du Duc de Choiseul, « le seul de ses Ministres qui puisse, en dérogeant aux traités, conserver l’alliance avec la Cour de Vienne sans laisser aux Puissances Étrangères l’impression que le Roi abandonne son système politique….. Si le Roi adopte cet arrangement, — conclut-il hardiment, — il ne deviendra pas pour cela inutile à son service. Le Clergé commence à prendre confiance en lui, il finira la guerre avec les Parlements, et peut-être rendra-t-il à Sa Majesté d’importants services pour la tranquillité de Son Royaume et la suite de Son Règne[1]. »

On conçoit aisément quel émoi vint troubler l’intime causerie du Roi et de Madame de Pompadour à la lecture de cette mise en demeure. Il avait fallu le surcroît de dépenses occasionné par la retraite du Hanovre pour réduire de moitié jusqu’à l’hiver les subsides promis à l’Impératrice, la défaite de Crefeld pour arrêter l’envoi de l’armée de Soubis en Bohême ; aujourd’hui, le sort de l’Alliance menaçait de s’effondrer par le caprice de celui qui avait conduit les négociations dont elle était sortie. Imprégné, par naissance et par éducation, de la grandeur d’un passé que les plus graves revers n’étaient point parvenus à abattre, Louis xv riposte le 9 octobre, en des termes où, envisageant la situation au double point e vue des traités existants et des faits accomplis, il donne libre cours aux divergences qui le séparent de son ministre. « Personne — s’écrie-t-il — ne désire la paix plus que moi, mais je veux une paix solide et point déshonorante ; j’y sacrifie de bon cœur mes intérêts, mais non ceux de mes alliés. Travailler en conséquence de ce que je vous dis, mais ne précipitons rien. Voilà la campagne qui tire à sa fin ; attendons cette crise, peut-être

  1. Mémoires de Bernis.