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bernis et la guerre de sept ans.

sables à elle de leur administration ». Bernis s’applique pour sa part à donner à cette doctrine un caractère moins spéculatif et plus accessible aux conceptions politiques de son temps. Dans cet ordre d’idées, avait-il proposé au Roi, en août 1758, — alors qu’il travaillait à la paix, — d’abandonner à son Conseil d’État, réuni à celui des Dépêches, la conduite générale des affaires du Royaume, d’en faire comme son premier Ministre, en se réservant, dans la plénitude de Son Pouvoir absolu, de réformer ou de repousser les décisions qu’il prendrait contrairement à Sa volonté.

Rien ne manquait à ce plan de Gouvernement, dont nous n’indiquons que la substance et qui marque d’un trait inattendu les six derniers mois du Ministère de Bernis, pour être favorablement accueilli par le Roi, ainsi qu’il en advint, mais tendrait sciemment ou non à écarter Madame de Pompadour des affaires de l’État en ne lui laissant que la disposition des places à la Cour. On a pu observer les débuts et suivre le développement de cette sourde lutte qui commence aussitôt entre elle et lui, et à laquelle s’immiscent les ennemis de Bernis pour l’accuser de viser à la situation d’un Cardinal-Ministre selon l’usage ancien, en s’arrogeant la présidence des Comités — disait-on alors — au sein desquels devaient se discuter, d’après son plan, les affaires publiques. Or, Bernis avait simplement exprimé l’idée que ces Comités se tinssent chez le Ministre d’État « le plus constitué en dignité », et l’accord s’était fait sur son nom entre les membres du Conseil ; le soupçon tombait donc à faux, et Bernis s’est chargé lui-même de découvrir le but de son ambition en écrivant à Madame de Pompadour, à la veille de sa disgrâce et sur le bruit de la suppression de ces Comités à l’arrivée du Duc de Choiseul : « Quoiqu’ils se tiennent chez moi, ce n’est pas une raison pour les conserver ; mais je crois qu’il est utile, indispensable même, que les Ministres se communiquent entre eux et que chacun ne fasse pas de son Département comme des choux de son jardin. Tout se tient dans un gouvernement ; il faut en lier toutes les parties. Voilà mon avis. On en fera après ce que l’on voudra. J’ai pris la résolution de dire toujours la vérité et de ne contrarier personne. Cela déplaît et ne sert à rien[1]. »

  1. 14 novembre 1758. Mémoires de Bernis.