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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/248

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augusta holmès.

d’une voix profonde et déchirante, ses pathétiques compositions légendaires ou irlandaises. Elle chantait toutes baies ouvertes en été, sans souci d’érailler son diamant, et son style bien à elle, captivant, dominateur, donnait l’impression de la sirène : Eheu fuge sirenarum cantus, fuge littus avarum. Ses expériences, ses désillusions, les amertumes et les ardeurs de son existence, passaient par son contralto dramatique, mêlées aux plaintes des noyés, aux sifflements de la tempête. Le démon de Bayreuth l’avait marquée de son empreinte, mais en lui laissant son originalité d’Océanide, de fille véhémente de l’air et de l’eau. Quand elle se taisait, les ondes sonores mettaient quelques minutes à s’apaiser. Elle se retournait, souriant de ses traits réguliers, empâtés, implacables, et laissait au piano une main, belle encore, où brillait une pierre glauque. »

J’ai anticipé. Qu’on me le pardonne. Je voulais, par ce plus grave hommage, couronner les litanies de cette voix.

De Guillot de Sainbris, ce musicien délicat, homme du monde et mieux qu’amateur, qui s’acquit à Versailles, avant la guerre de 1870, une certaine notorité comme professeur de chant, puis fondateur de la Société chorale d’amateurs, et dont maints Versaillais peuvent se souvenir d’avoir été les élèves, Augusta Holmès fréquenta plutôt le salon que le cours. Elle ne se soucia pas d’y apprendre positivement le chant, mais ne se priva pas d’y chanter. Elle y trouva surtout des occasions de faire de la musique d’ensemble, de développer ses puissances d’expansion dans un milieu favorable, de connaître les maîtres de son art (Gounod, Ambroise Thomas étaient parmi les familiers de la maison), et aussi, — et surtout, — tout un nouyau de jeunes gens de son âge, peintres ou poètes, tous mélomanes, et qui trouvaient dans la musique un précieux emploi de leurs loisirs dominicaux. On voyait là les peintres Henri Regnault, Georges Clairin, Blanchard, le docteur Cazalis qui sevait s’illustrer plus tard comme poète sous le pseudonyme de Jean Lahor, — les poètes Armand Renaud, Louis de Lyvron, le romancier André Theuriet, — et enfin, seul musicien du groupe, Camille Saint-Saëns, alors organiste de la Madeleine. Tous ces jeunes gens