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augusta holmès.

Entre tous ceux qui la composaient, je voudrais accorder à Henri Regnault une mention spéciale.

L’admirable artiste a trouvé en son ami, le docteur Cazalis, un pieux biographe ayant su mettre en relief cette diversité d’aptitudes qui lui était propre et l’apparentait à « ces grands artistes de la Renaissance dont quelques-uns savaient être à la fois peintres, architectes, sculpteurs, poètes, musiciens, penseurs et citoyens héroïques, s’il le fallait », — et honorer, d’autre part, à son juste prix l’âme aimante et généreuse qui s’unissait en lui à une haute intelligence et à une indomptable volonté.

Son goût passionné pour la musique le conduisait au souci des correspondances entre les deux arts. « Arrivé, dit son biographe, à ce point suprême dans la vie du peintre où l’accord exquis des tons et es couleurs procure des sensations presque musicales, il cherchait et poursuivait alors dans la peinture des tonalités et des harmonies inconnues et comme une musique nouvelle. » D’où l’intérêt qu’il ne cessa de témoigner aux tentatives de ses émules dans l’art musical.

Il avait, dit Saint-Saëns, « une exquise voix de ténor, voix au timbre enchanteur, à l’irrésistible séduction, comme son regard profond et toute sa personne ». Il l’avait cultivée à fond, de manière à en faire le docile instrument du fervent amour qu’il portait à la musique. Il avait, sous la direction de Romain Bussine, acquis mieux qu’un simple talent d’amateur, — et sa voix s’accordait à merveille à celle d’Augusta.

La guerre éclata, fit du délicat artiste un soldat intrépide jusqu’à la témérité. Il eût pu, de par sa position d’élève à l’Académie de Rome, se dérober au devoir militaire : il préféra s’y soumettre et s’enrôla dans les bataillons de marche. Entre deux exercices, il trouvait encore le moyen de venir chanter chez son amie Holmès. La dernière fois qu’il y parut, ce fut la veille du combat de Buzenval, auquel il ne devait pas survivre. Villiers de l’Isle-Adam qui s’y trouvait présent, avec Catulle Mendès, nous a conservé le souvenir de cette émouvante soirée qui précéda la mort du jeune peintre : « Regnault — raconte-t-il — enleva brillamment à première vue un hymne guerrier, sorte d’arioso