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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/273

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dans la littérature contemporaine.

Un quart de siècle s’écoula encore. Puis, après les batailles de l’Empire, dont la rumeur ne réveilla point la cité endormie, vint la bataille d’Hernani, et le triomphe tumultueux des poètes romantiques.

Les romantiques n’ont pas aimé Versailles. Le sonnet imprécatoire de Téophile Gautier exprime le sentiment de la plupart d’entre eux :

Versailles, tu n’es plus qu’un spectre de cité.
Comme Venise au fond de son Adriatique,
Tu traînes lentement ton corps paralytique,
Chancelant sous le poids de ton manteau sculpté.

Quel appauvrissement ! Quelle caducité !
Tu n’es que surannée et tu n’es pas antique,
Et nulle herbe pieuse, au long de ton portique,
Ne grimpe pour voiler ta pâle nudité.

Comme une délaissée à l’écart, sous ton arbre,
Sur ton sein douloureux croissant tes bras de marbre,
Tu guettes le retour de ton royal amant.

Le rival du soleil dort sous son monument.
Les eaux de tes jardins à jamais se sont tues
Et tu n’auras bientôt qu’un peuple de statues !

Musset considéra Versailles sans plus d’indulgence et avec moins de respect encore, ainsi qu’en témoigne le badinage hostile et charmant des Trois marches de marbre rose :

Je ne crois pas que sur la terre
Il soit un lieu d’arbres planté
Plus célébré, plus visité,
Plus décrit, plus lu, plus chanté,
Que l’ennuyeux parc de Versailles…

Quant à Victor Hugo, Versailles ne lui inspire pas d’ode triomphale, comme l’Arc ou la Colonne, comme les tours de granit et la nef millénaire de Notre-Dame, comme le dôme d’or des Invalides et ses drapeaux prisonniers qui

Frémissent comme au vent frémissent les épis…

comme le Panthéon

… et sa couronne de colonnes
Que le soleil levant redore tous les jours…