Aller au contenu

Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
madame de pompadour

rigide et peu communicatif — moins par excès de hauteur que par fond de timidité, — il possédait une force de raison, une fermeté d’âme et une aversion pour les louches et perfides manœuvres des cabales qui en faisaient comme un personnage à part dans l’entourage Royal. Sous cette rude écorce, le Maréchal d’Estrées n’était pas absolument rebelle à tout esprit de condescendance : à sont retour de Vienne, le 18 mars, non seulement il choisit pour son Major Général le Comte de Maillebois, beau-frère du Ministre de la Guerre, qui avait rempli la même fonction auprès du Maréchal de Richelieu à Minorque, mais encore, dans l’incertitude du temps qu’il resterait à la Cour pour traiter avec les Ministres des préparatifs de la campagne, il consentit de fort bonne grâce à laisser au Prince de Soubise, son subordonné, comme l’y conviaient le Maréchal de Belle-Isle et Madame de Pompadour, la conduite des troupes prêtes à partir. L’un était bien fait pour lui jeter à l’occasion « le chat aux jambes », ainsi qu’on le verra bientôt ; l’autre, « connu seulement comme honnête homme, plein de générosité et de noblesse », — écrira plus tard Bernis, — n’était pas moins le favori de la Marquise, et s’inaugurait avec lui le fâcheux système des corps séparés, à demi indépendants du Généralissime, munis de leur État-Major et de leurs services particuliers, qui a été si funeste aux armées de la guerre de Sept Ans.

Mais n’anticipons pas sur les événements : la situation plus grave à l’heure présente, il lui fallait compter — et, à cet égard, le Maréchal de Belle-Isle n’était pas en meilleure posture — avec Paris-Duverney, l’Intendant Général des Armées Royales, « personnage gênant et tout-puissant, sorte de Conseiller de la Couronne en dehors du Conseil — comme l’a défini M. Camille Rousset, — avide et tenace à imposer ses volontés sur le ravitallement des troupes, selon les méthodes qu’il avait pratiquées en son temps ». Sous l’arrogante intervention de celui-ci, il avait été calculé dans les conseils tenus chez le Maréchal de Belle-Isle que les sièges des places fortes de Wesel et de Gueldre, qui défendent l’entrée de la Westphalie au bas Rhin, dureraient au moins deux mois, et afin de ménager la dépense au début, il avait été résolu d’attendre, avant de porter toute l’armée en Allemagne, la fin du mois de mai, époque où les grains et fourrages étant en état d’être coupés, elle trouverait sa subsistance