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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/30

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bernis et la guerre de sept ans.

sur les lieux mêmes. C’est pourquoi avait-il plu à Duverney, contrairement à l’avis du Maréchal d’Estrées, d’après lequel les mouvements des armées étaient invariablement assujettis à l’exacte arrivée des subsistances, de faire suspendre les achats d’approvisionnements auxquels l’Intendant de l’Armée procédait en Alsace, pour les expédier dans des magasins à établir sur le Rhin, entre Landau et Dusseldorf. Or, au moment même, on apprenait à Versailles que l’ennemi avait abandonné Wesel à l’approche du Prince de Soubise et s’était retiré à Lippstadt, en enlevant de la région tout ce qu’elle pouvait contenir en vivres et fourrages. La conception tombait donc d’elle-même, car il était désormais à prévoir que le Général en chef allait se trouver à la tête de 95, 000 hommes aux prises avec la question des subsistances à son entrée en Allemagne, si la mesure n’était aussitôt rapportée. Duverney s’obstina à la maintenir malgré les observations des deux Maréchaux, qui s’accordaient à la blâmer et différaient sur les moyens d’y remédier : pour Belle-Isle, plus rapproché à certains égards des anciennes méthodes de guerre que des doctrines philosophiques de l’époque, tout devait être exigé par imposition, et il était impossible de soutenir la guerre en faisant des marchés chez les Princes Allemands ; de son côté, d’Estrées répugnait à un système qu’il regardait comme infiniment vexatoire aux populations, susceptible de les pousser aux pires excès, favorable, d’autre part, à la maraude et au pillage. À Munster, notamment, où il avait conduit l’armée, apparut, sous la forme aiguë qu’elle devait revêtir jusqu’à la fin de la guerre, l’insuffisance du recours à l’imposition : en dépit de ses ordres réitérés, les députés de la Régence n’avaient encore rassemblé le 26 mai que 4, 000 rations de fourrages sur les 150, 000 qu’ils s’étaient engagés à fourni, « et à moins d’user de violences qui feraient porter à ces pays de justes plaintes » — écrivait à son père le Comte de Gisors, — « il n’y avait rien à attendre de leur bonne volonté ». Il s’en était suivi, du fait de nos troupes, des actes de pillage éhonté qui excitaient assez fortement, quelque sévérité qu’il eût mise à les réprimer, les scrupules et les hésitations du Maréchal d’Estrées sur les partis à prendre, pour que Belle-Isle en vint à lui représenter avec humeur « qu’étant sur les lieux et chargé seul de toute la besogne, c’était à lui de forcer nature et de lever les