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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/309

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augusta holmès.

Hommes qui passez, pourquoi pleurez-vous,
Ô mes chers amis, artistes, mes frères ?
— Il nous dévoilait les clartés premières
Et la soif du beau s’éveillait en nous !

Il n’est plus, il n’est plus ! Notre Père, le Maître,
Le sage au front clément, le génie au cœur pur
Qui notait les chansons des anges dans l’azur,
Dort de l’affreux sommeil dont nul ne peut renaître

Non ! Écoutez. J’ai vu la mort. Elle m’a dit :
« Ne pleure pas, car je m’appelle la Victoire !
Le laurier verdissant croît sur la tombe noire.
Et le bandeau funèbre en nimbe s’arrondit.

Car lorsqu’un inspiré quitte l’obscure terre,
Le séjour des splendeurs s’offre à l’esprit errant,
Et, du ciel qui s’entr’ouvre, un rayon fulgurant
Descend jusqu’à la foule ignorante et l’éclaire.

Alors ceux qui dormaient ouvrent enfin les yeux,
Alors sonne à grands coups l’heure de la justice,
Car il faut que la loi d’Idéal s’accomplisse,
Et le soleil du vrai resplendit, radieux !

L’envie est terrassée et la haine bannie ;
De la tombe s’élève un hymne nouveau-né,
Et l’homme qui doutait adore, prosterné,
Et le monde s’emplit d’extase et d’harmonie !

Or, celui-ci qui fut bienfaisant, qui souffrit
De l’oubli, de son cœur méconnu, de son rêve
Ignoré, sans se plaindre, en un labeur sans trêve,
Ce juste ne saurait mourir ! Il est Esprit.

César Franck est vivant dans son œuvre immortelle ;
César Franck est vivant dans l’amour de nos cœurs ;
César Franck est vivant au pays des vainqueurs
Que la gloire a sacrés et qui règnent par elle.

Allez, vous qui l’aimiez, et proclamez son nom,
La douceur de sa mort, la beauté de sa vie ;
Allez montrer son œuvre à la foule ravie,
Et si l’on vous disait : Il n’est plus ! criez : Non !

Car là-bas, au Zénith, étincelle une armée
D’être ailés tenant des palmes dans leurs mains ;
Ils s’en vont préparer les lumineux chemins
Que va gravir bientôt cette âme bien-aimée.

Et l’Ange précurseur que le maître a chanté,
À l’horizon d’aurore où le marbre s’érige,
Pousse à travers les cieux le triomphal quadrige
Qui porte les élus à l’immortalité ! »