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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/310

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augusta holmès.

On peut constater par ces strophes qu’Augusta Holmès était capable (le fait peut être invoqué en faveur de la thèse d’une hérédité possible) d’écrire des vers valant « la peine d’être dits », et qu’elle sait mettre une forme correcte et harmonieuse au service d’un sentiment profond.

C’est un aspect important de la riche personnalité qui fait l’objet de cette étude. Les vers à César Franck ne furent d’ailleurs pas les seuls sortis de la plume d’Augusta Holmès. Outre qu’elle composa elle-même une bonne partie des paroles de ses mélodies et tous les livrets de ses opéras ou odes symphoniques, lesquels tranchent singulièrement sur la médiocrité courante de ce genre de productions[1], il existe d’elle un certain nombre de poèmes non destinés à la musique, de quoi former, assure M. Croze, tout un recueil qui n’a jamais été édité et

  1. Les vers par lesquels Jason, au premier acte des Argonautes, entraîne ses compagnons à la conquête de la Toison d’Or ont de la vigueur et de l’élan :

    Compagnons, en avant ! Vers une terre sombre,
    La Colchide au ciel noir,
    Mère d’hommes cruels et de monstres sans nombre,
    Je vais, ivre d’espoir !
    Sur la première nef affrontant la tempête
    Pour la première fois,
    Moi, l’enfant d’Iolcas, je mène à la conquête
    Des héros et des rois !
    Car là-bas, cher espoir de l’âpre traversée,
    Dans la nuit vierge encor
    Brille mon seul désir, mon unique pensée :
    La grande Toison d’Or…


    Et le dialogue qui s’échange au troisième acte, entre Jason qui débarque et Médée frappée d’amour, est d’un bel effet de sobriété saisissante :

    Où suis-je ? — Étranger, qui t’amène ?
    — Ma volonté. — Comment te nommes-tu ? — Jason.
    — Ta patrie ? — Iolcas. — Que veux-tu ? — La Toison.
    — Hécate, sauve-moi de la puissance humaine.
    Mon cœur bat… Mes genoux trenblent… Un voile noir
    Couvre mes yeux… Éros ! je suis en ton pouvoir…


    Il faudrait citer tout entières les strophes harmonieuses qui, dans la bouche du

    récitant, servent d’introduction littéraire au poétique tableau musical du Ludus pro Patria, intitulé La Nuit et l’Amourr. D’abord paisibles pour évoquer l’ambiance amoureuse et nocturne, elles s’achèvent en un hymne éclatant à la royauté de l’Amour, où s’affirment la fougue naturelle au tempérament de l’artiste et sa note

    la plus personnelle :

    . . . . . . . . . . . . . . . .


    Amour ! Verbe divin ! Générateur des mondes !
    Amour ! Instigateur des extases fécondes !
    Amour ! ô vainqueur des vainqueurs.
    Qui fait rougir la vierge au toucher de ton aile,
    Porte-sceptre nimbé de rose et d’asphodèle,
    Unis les lèvres et les cœurs.