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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/312

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augusta holmès.

pour entendre le Rheingold et la Walküre ! Faut-il qu’ils soient assez insensés et coupables ceux qui, pour de misérables questions de vanité nationale, foulèrent aux pieds la moisson du ciel et celle du génie[1]. » Je ne voudrais certes pas ici rouvrir un débat que le bon sens français a tranché sans nuire au patriotisme. Il m’a simplement paru piquant de rappeler, après notre victoire, ce propos tenu au lendemain de notre défaite par un grand artiste dont la récente palinodie n’a rien apporté, que je sache, à sa propre gloire, non plus qu’à celle de la France. Dans certain chapitre de Harmonie et Mélodie, M. Saint-Saëns avait entre temps émis sur la question une opinion plus mesurée, également éloignée de l’adoration aveugle et du dénigrement systématique, mais reflétant une admiration profonde et fondée en raison. In medio stat virtus.

Dès la première heure, Augusta avait pris part aux luttes que suscitaient aux Concerts populaires les auditions fragmentaires et d’ailleurs assez rares des œuvres du musicien allemand. Puis, elle manifesta le désir de le connaître, et son père, malgré son très grand âge, se décida à entreprendre le voyage de Munich pour permettre à la jeune compositrice d’entendre la première partie des Niebelungen. Elle entra directement en relation avec le maître, chez qui Villiers de l’Isle-Adam la rencontrait à Triebchen, près Lucerne, deux mois avant la guerre franco-allemande.

Oyons plutôt le récit qu’elle a fait de sa visite à Richard Wagner et qu’a rapporté M. J.-L. Croze : « Bien que prévenu de notre arrivée, Wagner nous reçoit froidement, poliment. Priée de me mettre au piano, je commence en allemand l’air de Erda de Siegfried. Au milieu du morceau, je vois le maître se lever brusquement. C’était, je le savais, sa manière de prouver son mécontentement. J’achève sans me troubler ; on me dit alors que mon illustre auditeur avait écouté jusqu’au bout… derrière la portière.

Pour tout compliment, il nous invite à souper pour le soir même. Cette seconde séance eut des débuts orageux. Schnorr chantait, accompagné par Richter. Pour je ne sais quel motif, Wagner éclate en injures, tombe à coups de poing sur le pauvre

  1. Propos tenu devant Mme Kalergis et rappelé par M. Paul Falt : Souvenirs d’avant-guerre pour servir après :… les Français à Bayreuth (Paris, Plon, 1916, in-8o).