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augusta holmès.

vrai, parce qu’écrit de souvenir par un ancien familier de la musicienne irlandaise. « Nous traversions une longue pièce, moitié salon, moitié bibliothèque, qu’éclairait une lueur mystérieuse et que des fleurs exotiques emplissaient d’une odeur capiteuse et violente. Deux lourdes portières de tapisserie séparaient seules cette galerie d’un petit salon plus intime et plus habitable, où étaient réunis les invités. À l’exception de Mira et de sa gouvernante, il n’y avait là que des hommes, tous jeunes et tous artistes ou gens de lettres. La plupart partageaient le culte enthousiaste de Mira Strany pour les choses excentriques. Dans ce petit groupe, on n’admirait que les arts et les littératures de l’Extrême-Orient. On s’extasiait devant les peintures japonaises, les poésies chinoises, la musique sauvage des tziganes. »

Tout ce récit est à peine transposé. Sur la façon dont Augusta Holmès en usait avec les jeunes gens qui composaient sa petite cour, écoutons le témoignage de M. Augé de Lassus, en son beau livre sur Saint-Saëns :

« Elle affecte les libres allures qu’autorise la vie britannique… Ces garçons, tous bien de leur âge, sont de mœurs légères, d’habitudes folâtres, de langage badin, mais ils respectent celle-là qui les fréquente et qui se fait leur compagne coutumière. On l’adore ; elle le sait ; on ne le lui dit que d’un ensemble tout charmant et sans qu’elle puisse rougir et s’inquiéter. C’est une femme, ou plutôt c’est la Muse devenue femme. Elle est présente, elle est prochaine et cependant distante… »

« Moins femme que déesse », la qualifiait Clairin. C’est la bonne formule qui dit tout ensemble et son absence de coquetterie, et son irrésistible prestige, et l’impression d’intangibilité qui se dégageait d’elle.

En regard du portrait qu’on vient de lire, voici maintenant celi qu’André Theuriet trace de Mira Strany, à la ressemblance du modèle :

« Elle appelait chacun par son prénom et les traitait tous avec une égale familiarité, plutôt en camarade qu’en femme. Superbe dans sa toilette noire, avec ses cheveux blonds, presque flottants, parmi lesquels elle avait piqué un géranium rouge, elle allait de l’un à l’autre, se plaisant à les exalter par de brusques accès de lyrisme, puis jetant sur leur exaltation un