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dans la littérature contemporaine.

toutes manières, et elle en acquérait plus de prestige. Quelques-uns de ses poèmes étaient accessibles dans leur signification verbale, la plupart n’y prétendaient point ; mais la subtilité de leurs images et de leur rythme créait des suggestions jusqu’alors inconnues.

Un autre guide partageait avec Mallarmé la vénération de la jeune école : le tendre Verlaine, dont la chanson était triste et douce comme la plainte d’un enfant bercé. Ses Fêtes galantes semblaient avoir emprunté à Trianon toute leur grâce patricienne et délicieusement surannée.

Et ces poètes nouveaux furent par excellence les poètes de Versailles.

M. Victor Margueritte comptait parmi les plus assidus des familiers de Stéphane Mallarmé, à qui il dédia son premier recueil de vers, le Parc enchanté, tout entier inspiré par Versailles. Après cet heureux début, M. Victor Margueritte, officier de cavalerie, se tint longtemps éloigné de la littérature, tandis que son frère Paul y conquérait une brillante célébrité. Il revint ensuite aux lettres et poursuivit avec succès la carrière de romancier que nous avons rappelée tout à l’heure.

Le Parc enchanté, recueil d’une trentaine de poèmes, a été réédité depuis dans le volume : Au fil de l’heure. Et, bien qu’il s’agisse d’un livre de jeunesse, certains de ces poèmes sont des descriptions vivantes et colorées :

LE PARTERRE D’EAU

Un souffle dont au loin s’émeuvent les feuillages
Plisse le ciel dormant sur le Parterre d’eau.
Les ondes du miroir font flotter par lambeaux
Les dais de satin clair aux bouquets de nuages.

Pourtant, rien n’a bougé dans le grand paysage.
Sous l’or brumeux du soir s’estompent les coteaux ;
L’azur suspend toujours au-dessus du Château
Son immobile dais aux bouquets de nuages.

Et sur l’eau mate des bassins frissonne encor
Avec le ciel flottant tout l’immense décor ;
Puis l’étale miroir s’aplanît peu à peu.

Heure sereine ! Au loin s’apaisent les feuillages,
L’Âme se sent pareille à ce parterre bleu,
Séculaire miroir de fragiles images.